vendredi 28 août 2009

Les Voleurs

Supposons...

Supposons qu'un homme, appelons-le Claude, se fasse voler sa voiture, un véhicule qui lui permettait de gagner sa vie en tant que livreur de pizza. Le temps que ses assurances lui remboursent la voiture (si elles la lui remboursent un jour!), Claude estime qu'il aura perdu 2000$ de revenus, plus la hausse de ses primes d'assurances, sans compter ce qu'il lui en aura coûté de temps passé à faire les démarches obligatoires dans ces moments-là, de trouble, de stress, de chicane de couple, etc.

Pendant tout ce temps, Claude sait que c'est son voisin qui lui a volé sa voiture pour la revendre 500$ à un magouilleur peu scrupuleux. Claude l'a vu la voler. Mais comme il n'y a aucune preuve indiquant que c'est bien son voisin qui a volé l'automobile, aucun témoin, rien, la police ne croit pas Claude. Ce dernier entreprend donc de le prouver. S'ensuit de longues et onéreuses procédures qui auraient dû décourager n'importe qui, sauf lui. Tout le monde finit par le prendre pour fou de ne pas lâcher le morceau, de ne pas passer à autre chose.

Mais contre toute attente, après des années de bataille, Claude gagne sa cause. Le voisin est condamné à rembourser la moitié (la moitié !!) des frais d'avocat de Claude, le 500$ de la voiture et les 2000$, tout cela avec intérêts. Wouhou... Des années de procédures, de troubles pour... ça?

Pas de prison pour le voleur, pas de couvre-feu, pas de surveillance accrue de la part de la police. Autrement dit : recommence ti-gars, mais ne te fais pas prendre cette fois.

Vous me direz : ce n'est pas comme ça au Québec ! Les voleurs ont un casier judiciaire, vont en prison !

Ah oui??

Quelle prison pour les responsables de chez Cinar dans l'affaire Robinson ? Auront-ils seulement un casier judiciaire ? Que nenni ! C'est Cinar le responsable.

Mais derrière Cinar, il y a bien quelqu'un de responsable, et ce voleur (ceS voleurS!) qui, malgré tout l'argent que Cinar versera (s'il est versé un jour) à M. Robinson, ces voleurs - disais-je - ont «scrapé» sa vie, du moins un gros gros bout.

Les voleurs de voiture vont en prison, ont un casier judiciaire, ne peuvent plus passer la frontière sans se faire chier. Pourquoi pas les voleurs d'idées qui exploitent les créateurs, les écrasent, minent leur vie, les étouffent à grands frais d'avocats ?

J'ai une admiration sans borne pour M. Robinson. Pour sa victoire contre Cinar certes, mais aussi, surtout, pour celle contre ce système judiciaire qui condamne sans délai les petits voleurs mais qui concède toutes les échappatoires possibles au gros.

Bravo M. Robinson ! Vous êtes un exemple à suivre, un modèle. Rien de moins.

mercredi 26 août 2009

dimanche 23 août 2009

Léo, Doudou et moi

Il m'avait donné rendez-vous au petit restaurant à l'intersection principale de Placencia, en face d'un terrain de soccer en terre battue. Sur la terrasse, un grand sapin de Noël tranchait sur le décor du sud du Belize. En attendant, j'avais commandé quelques bières en espagnol au propriétaire d'origine canadienne anglaise.

On m'avait prévenu que mon hôte était un peu bourru. Léo passait l'essentiel de son temps de retraité seul sur son voilier et la mer avait cette propension à rendre misanthrope. Je me préparais au pire et, à l'ombre de mon sapin tropical, je me suis demandé pourquoi j'avais accepté de faire ce voyage pour passer quelques jours sur un voilier. Après tout, je ne connaissais l'homme que par amis interposés et je n'avais jamais hissé de voile de ma vie.

Je l'ai reconnu de loin. Grande taille, barbe blanche, son allure tranchait sur celle des gens du coin. Il m'a serré la main, m'a souhaité la bienvenue dans les Caraïbes, je lui ai tendu une bière.

Pour être franc, je ne sais trop ce que nous nous sommes dit ce jour-là, mais l'ours mal léché que j'attendais s'est révélé un ami. Cette fois-là, je n'ai vogué qu'une semaine en sa compagnie, longeant la barrière de corail jusqu'aux Sapodillas, plongeant ici et là pour voir les raies et pour remonter des conques. Le dernier soir, on a mangé sur le pont avec pour incroyable horizon les montagnes du Belize, du Guatemala et du Honduras. On s'était mal ancrés et la tempête de la nuit avait failli nous faire échouer. On était parti au large en panique dans une noirceur dense entrecoupé d'éclairs, car quand la mer est grosse, c'est de la terre qu'il faut se méfier. Ce soir-là, j'ai connu la peur et les vagues grosses comme des maisons. J'ai aussi eu un mal de mer comme je n'ai jamais connu par la suite. On est revenus au port le lendemain matin, trempés, épuisés, escortés par deux dauphins. Même nos lits baignaient dans l'eau de mer.

À mon départ, Léo m'a parlé d'une traversée de l'Atlantique. Il en rêvait depuis longtemps et comptait bien se rendre au Portugal avec son fils l'été suivant, avant d'être trop vieux qu'il disait. Comme le Corbin pouvait accomoder un troisième matelot et qu'un peu d'aide serait la bienvenue, il m'a proposé de les accompagner. J'ai dit oui, tout heureux de la chance offerte. Sur le tarmac, il m'a promis de m'appeler au printemps. Malgré ma joie, je savais qu'il ne me rappellerait pas.

J'avais tout faux. Léo m'a rappelé six mois plus tard, en avril 2003. J'ai traversé l'océan sur son bateau. Un jour, je raconterai ce voyage, de loin le plus beau de ma vie.

Toujours est-il que cet été, j'ai appris qu'après des années sur la mer des Caraïbes, Léo était rentré au pays et n'avait plus l'intention d'affronter les vagues. La Doudou en moin (ce qui signifie Mon amour à moi en créole) est à vendre. Sans trop que je sache pourquoi, la nouvelle de la vente de ce bateau me chagrine, un peu comme si on m'avait annoncé l'agonie d'un ami.

Voici la Doudou en moin, le bateau de Léo.


Il y aura d'autres bateaux, des différents, mais quand même. Cependant, il n'y a qu'un seul Léo et il faudrait bien que je l'appelle, pour le revoir, pour échanger, pour un peu boire en silence, comme on le faisait des heures durant en regardant les couchers de soleil, en écoutant le souffle des baleines la nuit, sans savoir où elles flottaient.

Je m'ennuie sincèrement de ce vieil ours adorable.

lundi 17 août 2009

Attention, je vous écoute...

Entendu dans un autobus sur la rive nord :
« Ça, c'est des vignes. Des vignes de raisins! »

La personne pointait des trucs près de pommiers. Des pommiers de pommes.

mardi 11 août 2009

Safarire jaune

Un enfant, ça vous ramène aux plaisirs simples et oubliés tels que l'observation des araignées tissant leur toile, la cueillette des pissenlits et... la visite des zoos.

Je n'ai jamais été friand des zoos. Côtoyer la bête en cage m'est apparu, dès mon plus jeune âge, comme la démonstration de barbarie. Bien sûr, les conditions dans lesquelles vivent les bêtes dans les zoos se sont grandement améliorées depuis les malheureux spectacles que donnaient les Hommes devant l'enclos à gorilles du zoo de Granby dans les années 70, mais pour moi, le respect de la vie sauvage passait par une loi très simple : on ne va pas sur le territoire de la bête, que ce soit en jeep ou à pied, armés de fusils longue portée ou de jumelles. Inutiles de dire que j'éprouvais une joie revancharde quand je voyais les babouins arracher les essuie-glaces et le vinyle du toit des monstres de tôle que conduisaient l'Amérique en 1975. Ceci compose d'ailleurs le seul souvenir que j'ai gardé du parc safari d'Hemmingford. Rapidement, on n'a plus conduit de voiture au milieu des babouins et des ours, bien que cette décision fût sans doute le fruit d'une compassion plus automobile qu'animale.

Alors quand, trente ans plus tard, ma copine m'a proposé d'y faire un tour, vous imaginez ma réaction enthousiaste.

- T'es-tu folle ?

- Mais imagine le regard de ta fille dans le tunnel vitré sur lequel sautent les lions, ou encore dans la voiture alors qu'elle pourra nourrir une girafe par la fenêtre entrouverte !

Quelqu'un peut me dire comment on refuse une telle sortie ?

**

Dame V. aussi avait oublié ce qu'était ce parc.

Déjà, le prix d'entrée aurait dû nous faire rebrousser chemin. Mais on venait d'attendre 25 minutes et les 3000 voitures derrière nous nous poussaient à accepter ce vol au guichet d'entrée. Puis on a hésité entre faire la partie zoo et ses manèges en premier et se taper la section en voiture comme première étape. On a choisi la partie voiture.

La connerie.

On a parcouru les quelques centaines de mètres de routes tortueuses en plus de 2 heures, coincés au milieu d'un improbable embouteillage dans un enclos à bovidés. En plus d'arrêter le moteur de la voiture à plusieurs reprises pour mieux contempler les plaques des 4X4 devant nous dans lesquels se tenaient des habitués de ce genre de safari, tout équipés pour affronter le bovidé bavant et armés de leurs sacs de légumes et leurs lingettes humides désinfectantes, les seules bêtes qui nous ont approchés sont des animaux - poussés vers nous par les employés du parc - qu'on peut facilement flatter à la ferme d'à côté.

Il y a tout un paradoxe : faire venir des bêtes des 4 coins du monde pour les parquer au milieu d'un embouteillage tient non seulement du mystère mais aussi d'un non-sens profond. Pire que dans mes souvenirs, ce parc est un reliquat d'une époque pas si lointaine du «tout-à-l'auto» - ciné-parc, drive-in et autres drive-thru - si populaires dans les années 60 et 70.

Bien que plus sympathique et respecteuse de la bête, la suite ne fut guère plus heureuse : les félins se tenaient à distance du tunnel vitré, les babouins se cachaient sous la passerelle pour mieux se masturber (ils avaient l'air à aimer cependant) et ma fille n'avait d'yeux que pour les manèges rouillés qui ne fonctionnaient pas toujours (quand l'employé doit appuyer trois fois de toutes ses forces sur le bouton vert pour que le manège tourne, on sent une inquiétude monter dans notre âme de parent). Au milieu des pancartes «manège fermé», la plaque informant que la grande roue datait de 1923 et qu'elle était une des 3 dernières de cette époque encore en fonction prenait des allures angoissantes.

Ma fille est revenue à la maison heureuse d'avoir fait un tour de manège pour enfant, c'est sans doute ce qui compte. Mais l'image de tous ces gens serpentant en voiture au milieu d'un enclos à wapitis dans l'espoir de donner une carotte à un bœuf musqué par sa fenêtre entrouverte ne m'a guère rassuré sur l'intelligence humaine.