lundi 27 juin 2011

En Diagonale

Je sirote mon café au comptoir près de la fenêtre. Mon stylo arrêté imbibe lentement la page de son encre pendant que je scrute la vie passer au coin de la Couronne et Charest, intersection que les gens du coin, contrairement aux touristes, traversent en diagonale pour sauver du temps. J’essaie de ne pas avoir l’air trop voyeur, mais il est si rare que je puisse regarder la vie passer sans craindre que le petit dernier ne mange ce qui traine par terre que je m'en fous un peu.

Je fais donc le voyeur. J'observe les gens déambuler et je note les points d’interrogation qui surgissent : Y a-t-il encore des filles de 30 ans sans tatouage? Pourquoi est-il correct pour une femme de se teindre les cheveux et pas pour un homme? Pourquoi cette dame aux cheveux raisin méprise-t-elle du regard ces ados aux cheveux bleus? Quelle est la différence entre les seins tombants de ce vieil homme en bedaine et ceux que sa femme doit garder cachés sous sa blouse fleurie?

Près de moi, un jeune qui pavane ses boxers de couleur louche, la ceinture de ses jeans en bas des fesses, me regarde écrire l’air de dire «Tu perds ton temps, crétin.» J’aurais le goût de lui répondre que ma ceinture, je la porte à la taille, et que j’ai écrit un livre à temps «perdu», moi monsieur...
Merde, méchante réplique de vieux con.

Et il me dirait quoi? Qu’écrire un livre ne prouve pas que je n’ai pas perdu mon temps?

Et que pourrais-je répondre?

Que... euh…

Wow. C'est rendu que même dans les discussions que j’invente, je n’ai plus le dernier mot.

J’ai perdu la main.

jeudi 9 juin 2011

Le temps qui ne passe pas.


Un soir, à l’école secondaire que je fréquentais, des retrouvailles ont eu lieu. Un tas d’adultes bedonnants, parfois chauves, souvent grisonnants, se sont rassemblés au son de la musique qu’ils écoutaient quand ils avaient mon âge. Plate comme je vous dis pas.

Je les regardais arriver au volant de leur grosse voiture en riant comme des enfants en cravate, incapable de voir en eux l’adolescent que j’étais. Ils se retrouvaient en se serrant chaleureusement la main, en se parlant comme s’ils s’étaient vus la veille, comme si 25 ans ne s’étaient pas écoulés depuis leurs derniers échanges, puis ils se parlaient de leurs enfants, de leur business, de leur divorce en s’échangeant des cartes d’affaire. Du haut de mes 16 ans, je ne pouvais voir le jour où ce serait mon tour. À cet âge, 30 ans est le troisième âge, alors 41…

Ces gens-là, ces dinosaures scolaires, avaient quitté l’école où j’allais en 1961. C’était en 1986. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts (et c’était à Saint-Jean-sur-Richelieu alors quand je dis beaucoup d’eau, c’est beaucoup d’eau). Il y a eu tous ces événements qui modèlent un être humain unique, qui ont fait de moi quelqu’un de différent de celui que j’étais.

Puis ce fut notre tour. Nos retrouvailles. 25 ans après la fin du secondaire. J’avais hâte sans trop savoir pourquoi. Pour revoir des amis perdus de vue depuis, pour voir ce qu’ils sont devenus, pour retrouver, en 2011, une bulle de 1986.

On s’était quittés à vélo, on s’est retrouvés en Dodge Caravan. Untel avait grossi comme ça se peut pas, l’autre avait perdu tous ses cheveux, cette autre était méconnaissable dans sa robe de matante, mais on se reconnaissait tous sans problème! Le même humour, les mêmes expressions, les mêmes goûts, les chiants étaient encore chiants, les drôles encore drôles. Rien n’avait changé, sinon l’enveloppe (et le chèque de paie). Dehors passaient des ados le regard rempli de cette certitude que jamais, jamais ils ne seraient aussi pathétiques que nous en ce moment.

Je nous ai regardés danser, balourds, sur Beds are Burning, comme si les 25 dernières années n’étaient jamais passées sur nos vies, et c’est là que j’ai eu un doute. Comment peut-on avoir vécu 25 ans sans changer pour la peine? Tout serait-il déjà dessiné à 16 ans? La chorégraphie se modifie, le rythme ralentit, mais les paroles de la chanson ne changeraient pas?

Ça me rassure et me donne le vertige en même temps.

mardi 7 juin 2011

Mitre et Réalité

Moi: «Regarde, c'est papa quand il avait 10 ans.»
Ma fille (5 ans): «Pourquoi tu es allé voir le cuisinier?»

mercredi 1 juin 2011

Silence Radio


- Blog control to captain Dan.
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- Blog control to captain Dan. Ici Whitney Houston. Vous nous entendez? How will I know? *
- ...

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Lors de la publication de mon recueil, le milieu du livre s’est ouvert à moi. Critiques, salons, entrevues, j’arrivais en courant et j’avais hâte à tout cela. On avait pris soin de me prévenir que la page n’était pas rose tous les jours pour les jeunauteurs, ce dont je me riais bien à l'époque (Ah! cette jeunesse insouciante!)

Les séances de signature – souvent des séances d’humilité, surtout quand on signe entre Marie Laberge et Dany Laferrière - et les quelques entrevues accordées furent généralement sympathiques – surtout celle avec Christine Lamer, femme charmante.

La déception est principalement venue de moi. Je me suis vite rendu compte que j’étais peu doué pour le «small talk» de signature de salon et un piètre interviewé : incapable de prévoir les questions (enfin, celle que je prévoyais n’étais jamais posées), je bafouillais des réponses un peu à côté de la plaque. Je me suis même surpris à m'écouter et à me dire : «mais que tu es ennuyant!!!» Bref, ce moi qui avais hâte aux entrevues, à la rencontre avec mes lecteurs, etc., ce moi là m’emmerdais profondément.

Le blog en a aussi pris pour son rhume. Bien malgré moi, l’édition du livre a marqué quelque chose comme la fin d’un cycle, comme si dès la première publication de 2004, l’objectif était le recueil. L'«objectif» atteint, d’autres projets auraient pu espérer un peu d’attention, mais le clavier ne me parlait plus. Je n'avais plus la touche.

Cependant, qui dit fin d’un cycle dit début d’un autre. Cet été, j’ai bien l’intention d’enfoncer les touches de force, de m’imposer des heures d’écriture entre les rénos de la salle de bain et ma quasi monoparentalité de juin (dame V. sera à l’extérieur de la ville pour une bonne partie du mois, me laissant seul avec flot et flotte).

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- Blog control to captain Dan. Arrêtez de niaiser, captain Dan.
- Houston, ici captain Dan. Scusez. J'étais parti fumer une clope à l'extérieur. Mettez du bois dans la cheminée, je reviens chez nous.


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Allez hop. Au boulot.

J’accepte vos dons de café, de gardiennage et de grilled cheese.

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* Cette blague, digne de mon ami Parick Dion, est dédiée aux vieux de 40 ans qui, comme moi, furent victimes des années 80.