dimanche 28 août 2011
La chanson du jour: Irène (The Cult)
«Hot sticky scenes, you know what I mean
Like a desert sun that burns my skin
I've been waiting for her for so long
Open the sky and let her come down
«Here comes Irène
Here comes Irène
Here she comes again
Here comes Irène»
mercredi 24 août 2011
Le Vilain Petit Canard
Je ne m’y habituais pas. Depuis le jour de mon arrivée dans cette entreprise, je les trouvais de plus en plus laids. Gros, vieux, flasques, cons, ennuyants et laids. La réceptionniste, le commis d’entrepôt, le comptable, le patron, tous semblaient ignorer la mode, le charme, la beauté. Même tapi derrière mes paravents grèges, je sentais leur laideur, et bien sûr, le temps n’arrangeait rien à l’affaire. Tous les matins, je me dépêchais d’entrer dans l’enclos qui me servait de bureau et j’allumais mon ordinateur pour ne pas avoir à socialiser avec un de ces monstres.
Je supportais leur vue avec peine depuis 10 ans quand un jeune investisseur acheta l’entreprise. Le nouveau patron n’avait que trois mots à la bouche : look, jeunesse et look. Le bureau ne tarda pas à changer d’allure, à commencer par la réceptionniste. Le thon qui accueillait les clients depuis 10 ans fit place à une jeune fille aux cheveux longs, au sourire blanc de blanc et à la poitrine de taille impressionnante sur laquelle on pouvait voir, les jours de grands décolletés, un signe chinois dont elle ignorait le sens mais qu’elle aimait bien flatter du bout des doigts quand on lui parlait.
Chaque jour, le patron entrait dans le cubicule d’un laideron en l’enjoignant de le suivre : «Inutile de fermer ton ordi, on s’en chargera», puis on ne revoyait jamais le lézard. Les tronches hideuses tombaient une à une, remplacées par un éphèbe digne d’Occupation double. Jour après jour, le bureau gagnait en jeunesse et en beauté. Je me suis surpris à sourire de plus en plus, à fraterniser avec mes nouveaux collègues, à blaguer avec mon patron. On jasait gym, jeux vidéo, cul de secrétaires. Je ne me souvenais pas d’avoir eu autant de plaisir et de fierté à faire partie d’une équipe de travail. Tout le monde semblait sortir d’une revue de mode. Moi qui avais toujours travaillé par nécessité, je me surprenais à avoir hâte de rentrer travailler, heureux d’œuvrer au sein de cette équipe de rêve dont la métamorphose m’apparaissait maintenant complète. J’avais peu de pensées et encore moins de sympathie pour toutes les limaces qui avaient hanté ma vie professionnelle jusqu’ici.
Puis ce matin, mon patron cogna à mon paravent en simulant un court solo de drum, m’invitant à prendre un café dans son bureau. Je me suis levé avec diligence. Mon sourire s’est figé quand il ajouta : «Inutile de fermer ton ordi, on s’en chargera».
dimanche 14 août 2011
Gaspésie blues
Ça arrive quelques fois dans une vie : on s’arrête, on se retourne et on se demande à quel moment notre vie a bifurqué, à quelle fourche elle a choisi d’aller à droite plutôt qu’à gauche.
Une telle prise de conscience m’a frappé en plein milieu de l’Atlantique, il y a huit ans, et cet été, alors que je marchais sur une grève gaspésienne. J’étais là, adossé aux Chic-Chocs, humant le large comme un chien ivre à la fenêtre côté passager, et je remontais les ronds-points de ma vie passée, essayant d’identifier chaque coup de volant que j’avais (ou pas) donné. Je me demandais quand j’avais conclu que ma vie serait montréalaise, quelle courbe j’avais manquée pour n’être jamais venu en Gaspésie avant.
D’accord, j’étais touriste, je n’ai pas eu le temps de voir les fils qui régissent les comédiens ni ces chauffards qui conduisent trop vite sur le rang Thivierge, une bière tiède entre les jambes. Mais la proportion de cons n’est certes pas meilleure ni pire qu’à Montréal.
N’empêche que j’étais là, les deux pieds dans une eau froide qui n’a plus de fleuve que le nom sur la carte, à remonter le temps jusqu’au delà de moi, avant mes parents, et encore un peu plus loin. Et bref, si aujourd’hui je ne vis pas en Gaspésie, c’est un peu à cause d’une amibe de l’ère tertiaire, et beaucoup à cause de moi.
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