jeudi 11 mai 2006

Les Fabricants de souvenirs

On a tous, tapis dans un coin de notre âme, des odeurs, des images, des sons qui parfument nos souvenirs d’enfance, des fragments d'un quotidien révolu élus au titre de souvenirs selon des critères qui échappent à toute logique. Ma mère qui prépare le dîner en sifflotant du Joe Dassin; un air de Roger Whittaker entre les feuilles de la grosse plante du salon; cette latte du plancher qui craque, la sixième en partant du pied du lit; cette même latte qui m’annonçait que ma mère venait m’embrasser pour une nuit pas d’puces, pas d’punaises; mon doigt sur l’arête de cette tuile cassée près du robinet du bain; les marmonnements incompréhensibles de mon père qui discutait avec son bois dans l’établi; la fois où de colère il avait fait un trou dans le mur de l'entrée avec son poing; le parfum de la sciure de bois, de la soupe aux légumes, du veston bleu marine de mon père, du col en opposum du manteau de ma mère… Même si je visitais toutes les chaumières de toutes les familles du monde, jamais je ne retrouverais ces souvenirs. Tout cela n’existe plus. Ils sont pourtant là, juste là...

Ce matin, en allant voir ma petite grenouille, une latte inévitable, près de son lit, a craqué. J’ai alors réalisé que je lui fabriquais des sons, des odeurs d’enfance. Lesquels retiendra-t-elle? La tâche m’a paru lourde alors qu’elle est fort simple; on n’a qu’à faire semblant d’être occupé à autre chose.

16 commentaires:

  1. Quel merveilleux texte! J'adore. À la simple lecture, j'ai eu mes propres souvenirs remonter à la surface, des souvenirs qu'on range parfois trop longtemps. Bravo!

    RépondreEffacer
  2. Mais on devient sentimental ?...

    Moumoune !

    ;o)

    RépondreEffacer
  3. Je dois être moumoune aussi, dans ce cas! Hier, j'ai justement senti une odeur familière qui m'a mis dans tous mes états... et j'ai eu à peu près le même genre de réflexion (mais pas poussée au point de Dan qui vit cette paternité).

    Lorsqu'on vit en colocation avec la mort qui plâne, je crois que n'en apprécie que mieux la vie.

    Émouvant, tout cela.

    RépondreEffacer
  4. Touchant.
    et véridique.

    RépondreEffacer
  5. Enfin! Quelqu'un d'autre qui compte Roger "le siffleux" Whitaker dans ses souvenirs!

    Pour moi, cette voix est associée au tissu brun moucheté d'orange (vive les années 70!) du divan de notre salon qui me chauffait un peu la peau quand je m'endormais dessus, à l'odeur de la pipe de mon père et à ma découverte de l'anglais : ce n'était pas Mamimamiblou (j'adorais ce nom au point que je voulais un jour appeler ma fille comme ça!), mais Mamy Blue.

    Quelle aventure. On continue de te lire, en attendant, si le destin veut bien nous donner un coup de pouce, de créer, nous aussi, des souvenirs à un p'tit qui tarde à venir!

    Jojonana (oui oui pour le BBQ dans le 450!)

    RépondreEffacer
  6. cela ne fait pas forcément de souvenirs. Mais cela fait mémoire c'est sûr. l'avantage, c'est qu'on ne sait pas à l'avance avec quoi "cela" est fait. (influence du cliquetis de clavier chez les enfants de bloggeurs? v'la un sujet de thèse)
    Et c'est tant mieux. On sait juste que caresse de parent fait peau de bébé. Et réciproquement.
    Bien du bonheur à vous, bien des odeurs, bien des petits bruits....

    RépondreEffacer
  7. comme ça te va bien aux mots la paternité

    RépondreEffacer
  8. Ouinnn!
    Ouiiinnnn!
    Ouinnnnnnnnnnn!
    OUIIIINNNNNNNNNNNNNNNNNNN!
    OOOIIINNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNN!

    RépondreEffacer
  9. Touchant de vérité ce billet...
    Pleins de souvenirs refont surface...

    RépondreEffacer
  10. Bonsoir, bonne nuit
    Pas d'puces, pas d'punaises
    Donne ton coeur au bon Dieu
    Pis ta bibitte au chat...

    Ouff! T'as fait remonter des souvenirs à la surface, Daniel! Et tu me donnes le goût d'aller achaler mon chum pour fabriquer un bébé... Et ensuite lui fabriquer des souvenirs...

    Tu m'as émue.

    RépondreEffacer
  11. Beurk, vous m'écœurez toute la gang!

    RépondreEffacer
  12. Pardonnez à Brisebois, il n'a pas de souvenirs autres que ses faux sacrifices de chats, habillé en curé.

    Cath: il paraît que la paternité me va pas pire, aussi.

    Jojo: une toune qui collera dans ton cerveau pour la journée, de même, gratis: Moi j'ai quitté mon pays bleu... :)

    Coyote, je ne deviens pas moumoune, je SUIS moumoune! Une moumoune habillée en cuir avec une barbe de trois jours (j'vous dis pas combien ça pogne dans le village...)

    Parlant cuir, ne t'en fais pas, Magalie, je ferai des «willys» pour ma fille avec mon «bike», dignes des shows de boucane du cégep sur l'heure du dîner... D'ailleurs, j'ai mesuré; elle rentre dans mes sacoches arrière!

    RépondreEffacer
  13. Pour ceux qui ne se rappellent pas de Daniel habillé en cuir, il est possible de le revoir ici:
    http://galadenvoyage.blogspot.com/2005/11/enfin-des-photos.html

    Vas-y Dan, vas chanter des chansons à ta petite grenouille, je m'occupe de divertir tes invités...

    PS: Moissi j't'aime!

    RépondreEffacer
  14. J'en doute pas Dan.
    Et oui oui oui je vais venir constater ça de mes yeux très bientôt. Ce n'est pas l'envie qui manque c'est juste... euh... le temps. Et je me console en me disant que votre propre temps doit déjà être tout plein de belle visite.

    RépondreEffacer
  15. J'espère que ces photos auront disparu avant que ma fille navigue sur le net...

    RépondreEffacer