dimanche 30 décembre 2012

Repos

Hier soir, je regardais ce film où un enfant pagayait sur un lac désert, dont les rives étaient libres de tout chalet, comme ces lacs des Laurentides de mon enfance. Puis j’ai réalisé qu’il y avait longtemps que je n’avais vu ni entendu aucun humain. Ça me reposerait. 

Ce genre d'isolement devrait être un droit, voire une obligation annuelle. Quelques jours sans voir personne, ça calmerait bien des esprits. Au pire ça nous ferait des vacances d'André Pratte, ce qui n'est pas rien.

jeudi 4 octobre 2012

Lettre à mon enfant


Il y a quelque temps, Sophie Rondeau (aucun lien de parenté avec moi) m'a approché pour participer à la rédaction du collectif Lettre à mon enfant, un recueil d'une centaine de textes de personnalités connues (et d'autres beaucoup moins... comme moi!) qui ont comme point commun leur «parentitude». Je suis très heureux d'avoir participé à cet ouvrage, d'autant plus que les profits de sa vente seront versés à la Fondation du Docteur Julien. Je recopie ici mon texte écrit pour mon fils Clovis. En espérant que ça vous donne le goût de vous le procurer. (Entrée en matières très inspirée de celle de Patrick Dion. Merci Pat.)


Ta Main

Il est 2 heures du matin. Tu dors dans mes bras. Il y a ces dents qui percent tes gencives, qui taraudent ton sommeil et le mien par ricochet. Il y a, surtout, ta main dans la mienne.

Demain, il y aura ce patron qui soupirera quand je lui annoncerai mon absence et il y aura ta grande sœur qui t’enviera de rester à la maison.

Ensuite, il y aura un tas de surprises. Il y aura la vie.

Il y aura le carré de sable dans la cour, le soleil dans tes cheveux. Il y aura la tag dans le parc et nos jeux de cachette dans la maison.

Il y aura ta main qui quittera la mienne à ton entrée à l’école, ta joie de découvrir, tes amis qui t’attireront de plus en plus loin de la maison.

Il y aura des journées de maladie où je veillerai sur toi, où je passerai ma main sur ton front, où je te rassurerai. Il y aura ces heures d’inquiétude dans des salles d’attente, la main dans tes cheveux, à me demander ce qui t’afflige. Il y aura ton sourire le lendemain qui me fera un peu oublier tout ça.

Il y aura ton désir d’indépendance qui grandira jusqu’au jour où tu refuseras mes câlins. Il y aura tes yeux au ciel à chacune de mes paroles, ces bruits inintelligibles en guise de réponses à mes questions. Les mains dans les poches, tu trouveras mon regard lourd, ma présence lassante.

Il y aura des baisers volés et d’autres non désirés. Il y aura ce sentiment si grand que tu ne sauras par où le prendre. Il y aura malheureusement cet amour qui te laissera tomber, qui te déchirera. Il y aura surtout moi qui n’y pourrai rien. J’espère que tu seras assez fort pour surmonter tout cela.

Il y aura ces gens qui te feront croire qu’un homme ne doute pas, ne souffre pas, ne pleure pas. Ne les crois pas.

Il y aura peut-être cette lame qui tentera de te séduire, cette corde au plafond qui t’appellera comme elle appelle trop de gens. Souviens-toi alors qu’il y aura la main de tes amis, de ta sœur, de ta mère, la mienne. Tu trouveras l’image usée, mais je te jure qu’il y aura toujours du soleil après la pluie comme il y a eu ta mère après mes orages, comme il y a eu ta sœur, comme il y a eu toi.

Il y aura ton premier appartement, ton travail, tes projets. Il y aura des gens que tu laisseras tomber, à tort ou à raison. Ils te traiteront peut-être de tous les noms. Ne les écoute pas trop, juste un peu. On ne se rend pas toujours compte comme il est facile de devenir salaud*.

Il y aura ta vie qui te prendra à bras le corps, qui t’emmènera loin.

Il y aura ce temps que ta mère et moi aurons retrouvé, ce temps que tu n’auras plus pour nous. Et quand nous nous verrons, il y aura ton exaspération devant mes habitudes de petit vieux, mon discours que tu auras trop entendu, mes idées d’une autre époque.

Il y aura peut-être tes enfants dans lesquels je te reconnaitrai, tes nuits à les bercer qui me feront un peu rigoler. Il y aura tout cet amour que tu ne peux encore t’imaginer. Alors, il y aura peut-être quelques pardons pour toutes les fois où j’ai été un père inadéquat.

Au bout du chemin, du moins au bout du mien, j’ose espérer que tu veilleras sur moi. Il y aura alors ma main dans la tienne, dans ta petite menotte d’enfant que tu seras encore, toujours.

Il y aura tout cela. Mais il est 2 heures du matin et il y a toi qui dors enfin.


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* Merci Guillaume Vigneault pour cette ligne!

vendredi 17 août 2012

Chroniques de Péribonka - troisième partie

Mes enfants n'ont pas encore vu la mer, mais ils ont vu la plage de Vauvert, ce qui n'est pas loin (sans sarcasme aucun ici). Et pour faire vraiment côte est, il y a des restants de partys de la veille qui trainent ça et là, sans compter le brillant qui vient se baigner en roulant avec son Jeep jusqu'à 2 mètres de l'eau. Mais l'eau est plus chaude qu'à Old Orchard.

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Partout où nous sommes allés, jamais nous ne nous sommes fait regarder de travers parce que nous avions des enfants. La grande bloque le chemin parce qu'elle est dans la lune? Le petit court partout? Il n'y a pas de problème là. Ici, avoir des enfants, c'est normal. Ça fait changement du plateau.

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Au dépanneur barre oblique épicerie barre oblique station-service de Péribonka, on trouve pas mal de denrées, et si vos papilles ne sont pas trop exigeantes, pratiquement tout. On y trouve aussi le Devoir, pourtant introuvable du temps que j'habitais la pointe Saint-Charles. Ce n'est pas parce qu'on cultive la patate que...

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On aurait dû prévoir un budget spécial pour les bleuets au chocolat des pères trappistes. On s'est limité à une boîte par jour. Dures, les vacances...

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À la caisse du dépanneur barre oblique etc., les gens du coin commandent ce qu'ils veulent quand ils ne le trouvent pas en tablette. La caissière barre oblique commis barre oblique réceptionniste sort son stylo, prend en note la liste, le nom et le numéro de téléphone du client. Avant de raccrocher, elle promet que la commande arrivera le lendemain. La grosse épicerie n'est pourtant pas si loin, mais ici, le temps se prend. Et quand on regarde couler la Péribonka, le yogourt nature 2% peut bien attendre.

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Quelques personnes nous disent de ne pas aller au zoo de Saint-Félicien parce qu'il n'y a pas de girafe ou d'éléphant. Il faut savoir que ce zoo se spécialise en animaux de la Boréalie, qui peuvent donc vivre à de telles latitudes. Je ne trippe pas zoos (mais bon, j'ai des enfants...) mais cette simple «spécialisation» tombe sous le sens et me rassure. Et à voir le nombre de petits qui y sont nés cet été (tigre, yack, ours, etc.), les animaux semblent s'y plaire. Nous aussi, on s'y est plu.

Plusieurs fois, dans les guides explicatifs, le zoo nous rappelle que l'Homme fait partie des espèces animales, qu'on fait partie de l'écosystème. On dit «Ben oui, 'eul sais» mais bon.

Dans le bâtiment à l'accueil, on y parle des Montagnais. On y voit une autochtone en habits traditionnels, et la même en robe d'aujourd'hui. C'est con, mais ça m'a frappé à quel point on voit toujours des plumes sur la tête des Amérindiens, comme si on leur refusait toute modernité.

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Avant-dernière journée. Fête de (ma belle-)famille. On est sur le 8 rang de Sainte-Jeanne-d'Arc. On doit être une centaine. Les enfants courent partout, flattent les poneys, appellent les moutons. Quelques personnes de l'endroit portent le carré rouge.

En fin d'après-midi, je pars seul dans le champ, je filme juste pour me rejouer le chant des grillons une fois revenu en ville. Un peu d'espace en bouteille.

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Au retour des vacances, ma belle-mère nous a préparé de la soupe aux gourganes. Je n'en avais jamais goûté. C'est un peu gris-brun, rien de très hop la vie. Mais j'ai beaucoup aimé. Je regrette de ne pas m'être arrêté dans un de ces rares restaurants-maisons qui en offraient. Avouons que la personne chargée de trouver les noms des aliments au menu des tables québécoises a dû échouer son cours de marketing (la semaine sur le nom de produit accrocheur): ragout, poutine, guédille, gourgane...

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Bref, au lac Saint-Jean comme partout, il faut prendre le petit chemin à côté de la route principale, il faut s'arrêter au resto qui a l'air de rien, il faut surtout s'arrêter quand on trouve que c'est beau. Même parfois là où ce l'est moins.


samedi 11 août 2012

Chroniques de Péribonka - seconde partie

Trouver un bon restaurant à Dolbeau, sans guide local, est un peu difficile. Comme tout nous semblait du pareil au même, on énumère aux enfants les choix que l'on voit. Ils choisissent Mikes. Ça nous apprendra.

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En apéro, mon plus jeune choisit un jus de pomme. Quelques minutes plus tard, la serveuse revient en nous disant (je cite): «Notre jus de pomme a des mottons». La serveuse est comme notre chalet : accueillante, chaleureuse, mais la finition est à revoir.

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Aux supermarchés de Dolbeau et de Mistassini, en plein coeur du pays des «beleuets», en plein festival des «beleuets», les bleuets viennent des États-Unis. Des gens en achètent. Dans le stationnement, personne ne les attend pour les lapider. Nous sommes un peuple vraiment trop pacifique.

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Au chalet, comme veilleuse pour les enfants, on laisse une faible lumière allumée dans la salle de bain. Une heure plus tard, des milliers d'insectes obstruent la petite fenêtre de la pièce, attirés par la lueur. Jamais je ne comprendrai cette attirance obsessionnelle. S'ils aiment tant la lumière, pourquoi ne deviennent-ils pas diurnes? Certains aiment se compliquer la vie.

Ça me rappelle qu'il y a longtemps que j'ai pris des nouvelles de certains amis.

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Au lac Saint-Jean comme ailleurs, c'est quand on quitte la grande route qu'on découvre les plus beaux paysages. Mais parfois, il faut aimer la machinerie rouillée comme décoration de jardin.

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On quitte la 169 pour entrer dans Sainte-Jeanne-d'Arc. Ce village a un peu d'Açores dans sa beauté surannée et de Finlande dans son isolement nordique. On se rend au 9e rang (à tout le moins à ce qu'il en reste) où, il y a longtemps, a grandi mon beau-père. De la maison de son enfance, de son école, des bâtiments de ferme ne subsiste rien, ni murs ni fondations. Le bois a repris ses droits partout. Il faut imaginer toute une vie au travers les descriptions qu'il nous fait. On marche jusqu'à une cascade où il se baignait jadis, en terres redevenues vierges. Silence. On est avant la colonie. On est Montagnais.

Les champs de mon enfance ont disparu sous un développement immobilier «homogène» en réponse à l'appel du toujours plus. Les siens sont redevenus ce qu'ils avaient toujours été et nous confirment que nous sommes bien peu. Il y a un je-ne-sais-quoi d'apaisant.

jeudi 9 août 2012

Chroniques de Péribonka - première partie

Je reviens d'une semaine de vacances au lac Saint-Jean. Péribonka, pour être précis. On y a loué un petit chalet face à la rivière, adossé à un champ de patates, sans télé ni Internet. Seule l'apparition des pancartes électorales sur les poteaux m'a rappelé l'actualité. J'avais oublié qu'il y aurait une campagne électorale. Des 2 campagnes, j'avais choisi la mienne.

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Dès qu'on quitte Montréal, le nombre de Can-Am Spyder sillonnant les routes est impressionnant. L'intérêt pour cette moto à 3 roues m'intrigue. Pour l'ex-motard que je suis, l'idée de conduire ce véhicule me semble aussi palpitante que celle de pédaler sur ça doit l'être pour un cycliste. 

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Pour s'y rendre, on doit traverser «le Parc», le parc des Laurentides. Près de 200 kilomètres de route en pleine forêt qu'un seul arrêt «civilisé» vient briser: l'Étape. Cette dernière se résume en fait à une station d'essence hors de prix et à un restaurant où l'on n'a pas risqué notre estomac. Dans l'immense stationnement de garnotte, un ramassis de gars en camisole et de filles aux cheveux «teindus» rouges, la cheville tatouée. J'étais l'étranger. Je me faisais vieux aussi.

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Quand on sort du parc, la soudaine vue des terres déboisées et cultivées fait presque mal.

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J'aime bien l'accent du lac. S'il était accompagné d'un expresso digne de ce nom, je crois que je pourrais l'adopter. Mais trouver un café digne de ce nom au pays du bleuet est un défi digne des sondes nasales (c'est comme ça qu'on dit «de la NASA», non?) sur Mars.

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Alma. Il y a un Tim Horton's aux 2 coins de rue. Et chaque fois, il y a 5 voitures dans le stationnement et 16 autres en ligne pour le service au volant. Nous sommes loin du pays des Bixi. Nous, on se stationne chez McDo, on prend la météo par wi-fi sans descendre de la voiture, et on repart sans rien manger. À Rome, on fait comme les Romains, et au pays de la route, on s'offre le service à l'auto, mais pour Internet. Notre intégration n'est pas encore entière.

mercredi 18 avril 2012

Le Noeud de nos vies

Je suis vieux. La preuve? L’autre jour, quelqu’un m’a dit que j’avais l’air jeune. Je suis revenu souriant tout con à la maison, et j’ai répété à ma blonde : «la caissière m’a dit que…»
B’en c’est ça. Quand ça t’arrive et que ça te rend tout chose, c’est que t’es vieux.

Quand je remplis un sondage, je suis toujours un peu surpris de la boîte où je fais mon X à la question sur mon âge.

Après avoir retrouvé un ami du primaire ou du secondaire sur Facebook, je me pince quand je regarde ses photos. Il a l’air si vieux. Pas moi, bien sûr. Je suis le seul de ma génération qui a résisté au temps. Mais je ne dis rien. Je suis poli (d’ailleurs les jeunes ne savent plus ce que c’est, la politesse). J’écris à mes amis qu’ils ont l’air jeune mais je dois reculer un peu mon portable pour bien voir le bouton «J’aime» à l’écran.

Je m’approche lentement de cet âge où je deviendrai le marché cible de ces revues grises qui discutent de REER et combien il est trop tard pour y investir. Les banques sont un peu connes : elles parlent de REER aux vieux. C’est comme faire de la publicité de cigarettes à des cancéreux.

Je regarde les publicités de résidences pour personnes âgées d’un autre œil et je me dis que j’ai pas fini de ramollir. C’est quoi, ces noms pastel? Je vous jure, j’invente rien : Villa Le Bon Repos (éternel), la Résidence des Sages (le sénat?), Résidence Chenous (à côté de Chezeux), Résidence Cœur-à-tout (near the bridge), la Croisée des chemins (pas le choix mon vieux), la Mer Veille (pendant que le père d'or), le Domaine du confort (que du mou), la Maison du Nouvel Élan (on sent le swing), le Nid Douillet (pour les vieilles poules), la Villa des Chutes (Boum!), Accueil Doux Repos (pour une tendre sieste), la Villa de vos joies (et de tous vos plaisirs), Les Cœurs en or (sont fins fins), les Joies du foyer (pour madame Brossard de Brossard), La Berceuse d’or (fais dodo, Cola mon ti-vieux)… Bref, c’est le festival de l’amitié fleurie et de la sagesse blanchie. Soupir. Serge Grenier était aux Jardins d’amour. Il voulait s’enfuir par la fenêtre. Il a mal noué les draps et pouf! On a dit qu’il n’était plus très lucide. Et on opine.

Je ne sais pas pour vous, mais je vais de ce pas troquer mon logiciel Neuroactive pour un livre sur les nœuds. À mon âge, c’est un meilleur investissement que les REER.

mercredi 25 janvier 2012

Extrait du manuel des médecins spécialistes

« Le médecin spécialiste (MS), tel un Juif hassidique, est farouchement fermé au monde extérieur. Quand le patient entre dans son bureau, le MS ne se présentera jamais et évitera tout contact visuel. Il daignera répondre aux questions que si le patient insiste beaucoup, mais le fera par obligation avec un enthousiasme qui rappelle celui du douanier devant une file de vacanciers bruyants et bronzés. Un bon MS s’assure que durant toute la durée de la consultation, le patient n’oublie pas qu’il n’a pas le même statut ni n’appartient au même monde.  

« Malheureusement, dans un dessein purement mesquin, certains patients récalcitrants utiliseront le vocable "collègues" pour parler des médecins résidents ou, pire, des infirmières. Essayez de rester calmes. Le Collège des médecins travaille à rendre un tel affront passible d’emprisonnement. »