Tout le monde a déjà connu cet étudiant, assis seul en avant de la classe, qui prend des notes, trop intéressé par le prof, qui pose toujours des questions à la fois en lien avec la matière mais un peu «champ gauche». Il est visiblement un tantinet timide, mais ce n'est pas ça qui va l'empêcher d'intervenir en bafouillant un peu.
Son enthousiasme débordant amuse ou exaspère parfois ses collègues, c'est selon, et à la fin de chaque cours, il est le dernier à partir parce qu'il a des questions ou simplement quelque chose à partager avec le prof. Quand il partira, ce sera un peu précipité, comme s'il se rappelait soudainement qu'il avait un rendez-vous.
On sent qu'il a autant soif de savoir que de relations sociales mais qu'il a de la difficulté à en comprendre les codes plus subtils.
J'ai eu cet étudiant cette session. À chaque cours il me forçait à répéter des consignes et à aller plus loin dans la matière. Ça me demandait aussi d'incessants efforts de recadrage comme je devais jongler avec son insatiabilité et le fragile intérêt des autres étudiants.
Au dernier cours, il a attendu que tout le monde soit parti pour me remettre sa copie d'examen final que je savais d'avance presque parfaite. Au moment de retourner ramasser ses effets, un peu comme le faisait le détective Colombo, il se rappelle quelque chose, se retourne puis me dit:
- Monsieur, j'ai beaucoup aimé votre cours!
Puis il vient me faire un câlin à la fois chaleureux et tendu. Une seconde tout au plus.
Un câlin que réprouveraient les autorités sanitaires et toute notre époque.
Un câlin «champ gauche».
Un câlin qui restera un des plus beaux de ma carrière.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire