Les vacances se terminent et mon âme de professeur de langues et de linguiste retrouve ses esprits après une courte hibernation. Alors, premiers étirements...
On n'a peu idée de la façon que la langue sculpte notre imaginaire. Dans plusieurs langues, les objets se distinguent par leur genre, ce qui entraîne inévitablement une forme de poésie animiste. Dans d'autres langues - tel le montagnais -, ces mêmes objets sont animés ou inanimés. Derrière son apparente logique, la fraise y est animée, mais pas la framboise... En anglais, tout est neutre. Alors quand on emprunte un mot anglais, on le travestit selon des standards plutôt obscurs; on a mis une robe au mot job au Québec, mais une moustache en France...
Parfois, la langue sculpte notre imaginaire par les mots qu'elle met à notre disposition. Il y a alors des distinctions de temporalité ou d'intensité intégrées aux mots. L'espagnol distingue deux verbes être; un temporaire (estar) et un permanent (ser). En anglais, on peu aimer un peu (to like) ou aimer tout court (to love to court). En français, il n'y a pas de mot pour aimer un peu. Si on aime, on aime!
Mais il serait parfois pratique d'avoir un verbe aimer permanent et un temporaire. Ce serait parfois impoli, mais on économiserait une fortune en coeurs brisés et en psy.
la langue française est un produit des mythes occidentaux: l'éternité se résume à la pulsion des fluides, pour certains.
RépondreEffacerje ne sais pas pourquoi, mais ton post me donne envie de citer ici mon ami le poète Yves Boisvert:
«Dans le piano, le plus important, c'est le bois. Sur la scène, le plus présent, c'est l'ombre toujours seule l'ombrage du mensonge et le mensonge dont je parle est le dernier résidu du secret
...
gens foutus de la pire espèce espèce que j'incarne deux fois par coeur, giguant, une dame au becet l'âme frère d'âme des bums
Je suis mort, moé, dans la patrie du vent»
Yves Boisvert
Mourir m'épuise1974
Ce qu'on économiserait en coeurs brisés, on le perdrait en poésie...
RépondreEffacerAussi bien faire comme les espagnols tant qu'à ça ! Allez hop, trois verbes pour aimer: Querer, Amar, Gustar ! Au moins, en français, tu peux dire: Non non, c'est pas ça que je voulais dire ! ;-)
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RépondreEffacererreur de piton, on m'excusera, je repost le commentaire ici... :)
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oui intéressant.
d'ailleurs, à l'intérieur d'une période relativemant courte, une personne peut même mélanger (j'ai entendu tout ça récemment).
je t'aime
y te querio
je te love
pourtant, en anglais, il y a like, comme le soulignait Daniel...
scuzez, je réfléchis à voix haute...
Mais comme disait Dédé Fortin:
RépondreEffacer"Je t'aime beaucoup, ça fait moins vrai !"
Oui mais... lover quelqu'un, ce n'est pas l'entortiller ?? C'est peut-être le mot français pour dire like ?!?
RépondreEffacerNe peut-on pas apprécier, aimer et adorer dans notre langue? Situant l'amour à des niveaux différents comme peut le faire l'espagnol, non?
RépondreEffacerL'oeuf ou la poule ?
RépondreEffacerEst ce- la langue qui sculpte notre imaginaire, ou elle-même qui est issue de notre façon d'appréhender les choses?
Je ne suis pas étonné d'apprendre que la langue montagnaise puisse décider que ceci ou cela a une âme ou pas. (Quoique j'aimerais savoir pour la framboise...)
Quand une langue naît d'un rapport immédiat avec la nature...
Idem pour l'anglais, dont la culture ne permet que de eptits écarts affichés de tendresse (Her Majesty Ship..) :-)
Et avec le feu qui court dans leurs veines,les espagnols sont bien avisés d'avoir quelques mots pour aimer et ainsi différencier leurs états d'âme..:-)
Ouin, y'a du beau monde ici. Je me ferme les yeux et je vous imagine ayant cette conversation, terrasse d'été les lèvres dans la mousse et ça me rend heureuse. M'en fout si ça vous rend pas heureux, c'est mon fantasme à moi! Je pourrais dire je vous aime, mais ça serait déplacé du haut de mes pixels!
RépondreEffacerLe problème avec notre 'aimer' c'est qu'il semble toujours mal habillé. Il est parfois bien trop chic pour les endroits où on l'évoque, parfois bien nu pour ce qu'on voudrait en dire. Incontournable, il est aussi terroriste à sa façon.
Les enfants expriment leur amour en grosseur, en largeur, physiquement, comme la maison, comme la terre, comme l'univers. Rien n'est assez gros pour exprimer leur besoin de l'autre. Je ne sais pas quand les choses se gâtent, quand la métaphore ne se fait plus que du bout des lèvres. Quand on arrête d'oser le dire, d'oser le demander. Quand 'Je t'aime' semble l'arme du crime, on oublie même qu'un jour on puisse avoir dit 'Je t'aime gros comme la terre'.
Ce que conseille d'ailleurs Heineken...:-)
RépondreEffacerPour continuer sur ce que disait Catherine, je crois que nous arrêtons de mesurer l'amour lorsque nous prenons conscience que le rejet existe. C'est parallèle à l'adolescence et au besoin de plaire. On a peur, alors on hésite. Peur du ridicule autant que de se casser le nez d'ailleurs. Et puis, on se met soudain a distribuer les «je t'aime» de manière plus ou moins heureuse pour combler certains vides. Sans trop savoir exactement ce que nous voulons dire.
RépondreEffacerEn y pensant, il devient évident qu'avoir un commentaire gentil peut être périlleux. C'est tellement plus facile d'être mesquin, on a au moins la certitude de ne pas blesser par inadvertance.
Mathilde
Alors je tente un commentaire sans m'inscrire à Blogger, juste un petit écho à votre note : en celte, il y a un même mot pour désigner le bleu et le vert. La langue sculpterait, outre l'imaginaire, nos perceptions aussi, mais vous le savez, je pense.
RépondreEffacerBibi Aventurière