Les deux policiers, baraqués comme dans une publicité de gym de quartiers populaires, sont allés sonner chez ma comédienne du dessus. Quelqu'un d'autre avait dû se plaindre du bruit. Je me sentais un peu moins seul.
Quelques minutes plus tard, j'ai entendu les pas bottés des policiers redescendre l'escalier jusqu'à mon palier. Au même moment, la voisine a donné quelques coups de talons à mon plafond. C'est quand j'ai entendu les policiers frapper à ma porte que j'ai compris que ce petit air percussif se voulait moqueur.
En apercevant leur faciès avenant de tueurs de chats, je savais que les bonnes nouvelles étaient pour un autre jour.
- On peut entrer? m'a demandé le plus costaud
Avant même que j'aie eu le temps d'acquiescer à leur demande, ils sont entrés. Leur discrétion toute militaire jusqu'à la cuisine a eu tôt-fait de réveiller la petite à nouveau, cette fois curieuse de toute cette activité inhabituelle.
Lorsque je les ai rejoints, aucun des deux gentils gardiens de la paix publique n'a eu ne serait-ce qu'un regard vers la petite. Il y a eu quelques secondes de silence durant lesquelles je me suis demandé s'il était opportun de leur offrir une bière. Puis un des policiers, celui qui scrutait les diverses factures qui tapissaient mon frigo, s'est tourné vers moi, d'un bloc, comme si tout au nord de sa ceinture était soudé. Même ses yeux semblaient vissés dans leur orbite, ce qui l'obligeait à tourner toute le haut du corps chaque fois qu'il regardait dans une nouvelle direction, un peu à la manière d'un hibou. Il m'a regardé sans gentillesse, avant de briser le silence.
- Vous savez sans doute ce qui nous amène ici.
Il détachait ses syllabes comme une sorte de Terminator de marché aux puces. J'ai préféré opiner de la tête de peur de me mettre à rire si j'ouvrais la bouche. Ma bonne humeur s'est toutefois vite estompée.
- On a reçu une plainte contre vous. La dame d'en haut nous a appelé ce soir…
- …à 20h25…, a précisé le second clown.
Le premier a continué comme si ce tour de prise de parole était normal.
- …pour rapporter que son voisin…
- …vous...
C'était qui, ces drôles?
- …se mêlait de sa vie privée en écoutant au travers sa porte…
- …et en l'espionnant de derrière les rideaux.
Et toc. J'étais stupéfait. Non seulement j'avais à faire avec une voisine folle, mais les deux hurluberlus devant moi semblaient sortir de la même boîte de céréales.
Quelle absurdité!!! Il n'y a pas de paroles...
RépondreEffacerWow ! Kafka est de retour parmi nous !
RépondreEffacerMais comment t'aurais pu l'espionner de derrière les rideaux si elle habite en haut?
RépondreEffacerJoanie: C'est là la question! Peut-être était-ce derrière le tapis...
RépondreEffacerEt les policiers, eux, ne se sont pas posés de questions sur cet espionnage derrière les rideaux?
RépondreEffacerRatata.
Ben trop contente la madame que quelqu'un s'intéresse enfin à elle.... Si ce n'est son voisin, les policieux, eux, n'ont pas vraiment le choix. Elle est donc sûrement satisfaite...
RépondreEffacerJosée alias Marimilie
Je sens que tu vas pèter ta corde dans le prochain billet, parceque ça doit pas être très drôle d'avoir a répondre aux questions de la police dans ce cas.
RépondreEffacerJe ne laisserais pas la police entré chez moi, si le cas ce présente,je sortirais dehors, et il devrait être respectueux, même si c'est le Papeherman!
Les flics, ils entrent, Narvik. Ils entrent, point final.
RépondreEffacerT'as pas songé à leur dire «J'épie paske je chante mal»? Héhé.
Sale histoire stressante, dude. I understand.
Bonjour,
RépondreEffacerJ'aime cette aventure. Elle m'est arrivée quelques fois.
Première leçon. Quand les policiers frappent à la porte et demandent : On peut entrer ?
Tenez un des deux pied derrière la porte et répondez : Pourquoi ?
Ils doivent expliquer ou expliquer qu'il est préférable d'expliquer à l'intérieur ce à quoi vous devriez répondre : Dites-moi ce que vous avez à me dire ici.
Sur la rue, dans l'automobile, chacun sait que résister à un agent est ridicule à moins d'aimer être tabassé.
Mais chez nous, c'est chez nous et nous devrions protéger ce qui nous reste de vie privée. Merci, j'attends la suite.
La suite, c'est qu'ils entrent anyway.
RépondreEffacerYou're damn right, though: on devrait protéger l'espace qu'il nous reste. Essayer, au moins.
Daniel c'est épouvantable tu fais du dédoublement de personnalité...tes pulsions de voyeurs t'ont trahis, ou bien il y a un voyeur de caché sur le toit.
RépondreEffacerVivement la troisième partie :)
Le nom de Kafka m'est aussi venu à l'esprit. C'est erroné, parce que, dans l'univers de Kafka, le motif des accusations défient toute logique, alors qu'ici, c'est seulement le comportement des policiers qui est improbable. La nouvelle va soit trop loin, soit pas assez.
RépondreEffacerJe reçois cette nouvelle comme une présentation de comment se sentiraient les accusés dans une société si les corps policiers croyaient systématiquement les accusations portées par tout un chacun. Une société dont la police fonctionnerait sur ces bases, on s'en doute, en deviendrait rapidement une où les comptes seraient réglés à coup de délations gratuites. Au Québec, seuls les cas de violence conjugale ou de menaces de mort sont traitées de cette façon, à ma connaissance. (Si l'objectif était de présenter une situation plausible, c'est raté).
Pour «accepter» ce comportement policier, je dois donc, mentalement, me situer dans un ailleurs. Mais peu importe cet ailleurs, ce doit en être un qui est peu familier au narrateur, puisque le comportement des policiers le prend par surprise (sinon, il aurait pris plus de précautions en allant voir sa voisine). Il aurait été intéressant d'avoir ne serait-ce qu'un indice de quel est cet ailleurs. La société québécoise est-elle en train de se transformer brusquement en société de délation, par exemple sous l'impulsion d'un gouvernement bizarre? Le narrateur est-il nouvellement arrivé dans un endroit (quartier/ville/pays) dont les moeurs lui sont inconnus? Ce comportement incohérent se limite aux deux policiers?
Au bout du compte, dans le fond, je veux savoir si c'est l'auteur qui est incohérent - dans ce cas-là, je n'essaierai pas de pousser ma réflexion plus loin: il n'y a aucun intérêt - ou si j'ai affaire à un auteur habile qui m'amène sur un terrain fertile en réflexions...
En ce qui concerne la forme: bravo pour le style. Les descriptions sont habiles et arrivent à susciter des images fortes en très peu de mots, enrobées d'un humour acétique qui contribue à me déstabiliser et à me préparer, comme un marteau de boucher, à recevoir toutes sortes de saveurs inconnues... qui tardent un peu à se présenter.
Bravo et merci!
@Anonyme bravo pour votre commentaire très pertinent, je suis bien content de lire ça, qu'elle belle performance!! Vous suscitez beaucoup de bons points!comme la délation et le rapport société... L'auteur m'a donné la même impression dans Mustalav. Voulez vous travailler pour moi svp ?
RépondreEffacer:)
(Eh bien, merci à Mère indigne pour ses signets, jusqu'à maintenant je suis tout sauf déçue!)
RépondreEffacerJ'ai moi aussi les yeux rivés à l'écran en attendant la suite.
Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que si c'était une maman, et non un papa qui s'était pointé chez la voisine, la suite des événements aurait été différente...
Bon ok, plus le choix, la suite demain...
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