Julie broie du noir, broie du noir jusqu’à la poudre, poudre qu’elle ramasse en un petit tas insignifiant, insignifiant au point où elle se demande chaque jour comment elle a pu s’y noyer. Elle s’y noie tout de même. Elle ne nage d’ailleurs presque plus, si ce n’est que de quelques coups de pieds ici et là. Devant son petit tas de noir broyé, Julie décide de prendre son temps, de prendre son souffle en se gonflant la poitrine comme d’autres prennent leur élan. Dernière aspiration avant de fermer les lèvres, de tout retenir une seconde de trop. Au début, c’est facile. Mais tout se comprime rapidement. Ce n’est pas dans les habitudes humaines de tout garder comme ça. Julie devient rouge, puis bleue. Elle toussote un peu la bouche fermée, toute sa vie compactée derrière ses lèvres closes.
Quand elle commence à voir des étoiles, quand elle sent la vie chanceler, elle abandonne, elle souffle sur la poudre, souffle de toutes ses forces, comme pour éteindre les 36 chandelles de son gâteau, comme pour gonfler un ballon au caoutchouc trop rigide, comme pour attiser la braise d’un feu oublié. Elle voit alors le noir devenir nuage. Un nuage de poudre aux yeux qui nous aveugle momentanément. Alors on s’essuie les yeux avec nos mains, avec l’intérieur de nos coudes, en traitant Julie de petite connasse; on ne souffle pas sur le noir broyé comme ça, c’est impoli, c’est salissant. Puis quand on rouvre les yeux, Julie est disparue.
Black out.
je l'aime beaucoup ce texte...
RépondreEffacerJe ne regrette pas d'être "tombée" sur ce blog par hasard.
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