mardi 30 novembre 2004

Je suis une crêpe

Allez voir la superbe animation Flash de Monkeehub sur la chanson "Creep" de Radiohead (qu'on pourrait traduire par "Je suis une crêpe" de Tête de radio). D'une complexe simplicité.

lundi 29 novembre 2004

Téléphone arabe

Guilou guilouguilou...
- Mohamed!
Guilou guilouguilou...
- Merde Mohamed, ça sonne!
Guilou guilouguilou...
Mohamed ne répond pas. Il dort dur. Ça m'oblige à sortir de ma boîte de carton. Il est 5 heures du matin. Seul un réverbère rouillé éclaire la ruelle, et encore, par intermittence. Je donne un coup de pied dans la boîte Frigidaire.
- Tu réponds, chameau?
Mohamed, c’est le seul de mes amis qui a un cellulaire. C’est le seul de mes amis tout court, je dirais. Mais en plus, il a un cellulaire. Je sais pas comment il a réussi son coup. Toujours est-il que ça en jette; quand il quête avec son cellulaire à l’oreille, il fait 20$ de l’heure de plus que moi. Les gens se disent qu’il a un cellulaire, que donc s’il demande 1$ c’est qu’il en a réellement besoin... C’est con, des gens.
Guilou guilouguilou...
Toujours cette sonnerie liquide malgré le froid. Toujours aucune réaction de Mohamed. Il dort gelé dur. J’ai un doute. J’applique 2 doigts sur sa jugulaire. C’est froid, même pour janvier. Le con. Je l’aurais cru plus fort. Ça vit combien de temps, un Arabe?
Je regarde Mohamed une dernière fois. J’envie sa fraîcheur quelques secondes. Pas longtemps. Puis je réalise qu’il me faudra changer de ruelle avant que les flics ne flairent l’odeur de viande froide. Je suis pauvre, je suis un coupable abordable. Je tire le cellulaire de la poche de Mohamed. Il ne sonne plus.
Aujourd’hui, je ferai 20$ de l’heure de plus qu’hier.

mercredi 24 novembre 2004

Allez, tout le monde ensemble...

Nous faisons semblant de ne pas savoir que nos amis parlaient de nous quand nous revenons des toilettes, comme nous faisons semblant de parler d'autres choses quand un ami revient des toilettes.
Tout le monde le fait, et tout le monde continue de faire semblant, et tout le monde continue de croire que même s'il le fait, les autres ne le font pas à son sujet.

C'est con, mais c'est comme ça.

Après, les gars s'étonnent que les filles aillent aux toilettes ensemble...

mardi 23 novembre 2004

Des Dattes dans du bacon

Dame V. préparait de la bouffe pour 60. Et moi, pour l’aider, j’ai fait ce que font les gars sans talent: j’ai passé le balai. Dès que j’étais dans une autre pièce qu’elle, je faisais du bruit avec des objets. C’est fou ce que j’avais l’air occupé. Mais les arômes délicieux me ramenaient à la cuisine où j'ai fini par couper quelques trucs spongieux sur des planches de bois, faire la vaisselle et habiller des dattes de bacon. Faut essayer (les dattes, pas la vaisselle. Faut suivre): ça se gobe avec n’importe quoi; le sucré des dattes va avec le vin, le salé du bacon avec la bière, le cure-dent avec l’olive du martini. On en enfile des dizaines. Mais pas plus, car trop de dattes c’est pas bon. Tout cela pour dire que sans Dame V., la soirée aurait juste été propre et aurait coûté 50$ en bacon.

Puis sont arrivés Isabelle, du vin, Steve, des pâtés, Pascale, du pain, Patrick, du fromage, encore du vin (sans invité), Alexandre, un saucisson, Barbara, du vin, Marc-André, une salade, Virginie... J’énumère pas la dizaine d'autres qui étaient là, mais j’avais l’impression qu’on était 45 tant j’étais heureux de les voir. Un chien fou dans l'enclos du parc Lafontaine. Le vin fromage (quoi de mieux pour souligner une grève surprise à la SAQ!) pouvait commencer. On a bien dû refaire le monde 2 ou 3 fois avant d'être trop pleins. À dix heures trente, la folle d’en bas a mis sa musique dans le plafond pour gentiment nous annoncer qu’on la dérangeait. Devant tant de délicatesse, j’ai monté le volume du système de son. Le concours était commencé. J’ai dû le gagner car quelque temps plus tard, un policier plutôt sympa accompagné de sa Rottweiler ont cogné à la porte sans que je les aie entendus. L’imitation qu’avait faite Guillaume de Julien Clerc était pourtant particulièrement réussie...

Le lendemain, la tête lourde et le foie gras, je trouvais que la vie savait se montrer parfois bien tendre. Malgré novembre. Et quand elle était trop sucrée, suffisait de l'enrober de bacon.

lundi 22 novembre 2004

Aphorisme

Une carapace ne sert pas à protéger des attaques extérieures; ça empêche l'effondrement de ce qui est à l'intérieur.

vendredi 19 novembre 2004

Le Hamac ou Pourquoi les bananes de Guillaume se balancent-elles?

Assis sur le sable, Guillaume et moi regardions avec amusement deux petits Mexicains se faire ramasser par des vagues trois fois hautes comme eux. À chaque fois qu’ils disparaissaient dans le rouleau d'une vague, nous grimacions de douleur. Les niños se relèvaient en riant, et après avoir vidé leur maillot du lest de sable, ils couraient affronter la vague suivante en lançant de grands cris rieurs.

Près de nous, un vendeur de hamacs faisait les yeux doux à une Américaine boudinée qui révélait un nombre impair de mentons quand elle riait. Lorsque le vendeur s’est éloigné de lui, le boudin nous a regardé en souriant. Guillaume a rapidement remonté ses fausses Oakley et moi j'ai plongé avec un intérêt mal simulé dans notre partie d’échecs.
‒ ¿Una hamaca?
Nous avons relevé la tête comme des nageurs synchronisés. Le vendeur de hamacs regardait Guillaume avec les mêmes yeux que ceux qu’il avait eus pour le saucisson. Guillaume s'est senti moche tout à coup. Il a répondu:
‒ No. Graaciâs.
J’ai étouffé un rire face à son accent québécois trop appuyé.
‒ Ha! Parlé francess... Dé MonTréal?
Notre chance; le 3e québécophile de la journée...
‒ Mmmm... a répliqué Guillaume derrière ses verres teintés.
‒ Alors, ¿Una hamaca? Très connfortablé!
‒ Sûûrement. Non merci.
Mon coeur balançait entre l'exaspération et la vague gêne de notre évidente bourgeoisie. J'ai essayé de noyer le malaise avec ce qui me restait de houblon.
‒ Alors, ¿una pequeña hamaca?
Le mec a balancé un petit filet jaune entre ses mains. Merde! Un hamac à fruits! Le bière m'est montée dans le nez. J'ai laissé Guillaume s’arranger avec la transaction pendant que je m'essuyais.
‒ Pas pour le moment. Mais je reviens en février. Mes fruits voudront se balancer cet hiver. Alors ok en février.
Loin de se décourager, le vendeur a compté lentement sur ses doigts:
‒ Diciembre, enero, febrero... ¡Tres meses! C’est longue, tres mois...
‒ Sur l’échelle d’une vie, 3 mois, c’est un pet, hombre. C’est rien.
‒ ¡No! C’est pas rienne... Yé poux mourir d'ici 3 mois!
‒ Moi aussi, je peux mourir. Et qu’est-ce que je ferais d’un hamac à fruits, si je meurs, hein?
‒ Si tou mours, qu’est-cé qué tou férais dé ton argent?
Nous sommes partis à rire et d’un regard, nous nous sommes avoués vaincus. La discussion avait été trop bonne pour même penser barguigner.

C’est les bananes de Guillaume qui sont contentes.

mercredi 17 novembre 2004

Pierre Légaré, sors de ce corps!

Quand quelqu'un perd la voix, pourquoi lui parle-t-on en chuchotant?

mardi 16 novembre 2004

Fils de pub

Hier soir, la télé m’a appris qu’une fille de vingt ans voit disparaître ses rides en 8 secondes avec la crème Biofermactivtriplepure; qu’avec la nouvelle Etalhon Anruth, je peux rouler à 345 km/h et faire des tête-à-queue sur de l’asphalte mouillé, (à condition de posséder un circuit fermé ou un désert qui se transforme en autoroute au fur et à mesure que ma voiture avance); que les vêtements que je me suis achetés hier sont démodés; que ceux que j’ai finalement jetés pour m’en acheter des neufs reviendront à la mode l’été prochain; que les hommes ne savent ni bien manger, ni se soigner, ni faire du ménage (sauf s’ils sont musclés et chauves ou ont des allures de Classels); que bientôt on me paiera pour faire mes interurbains; que j’ai droit à une assurance vie de 50$ pour aussi peu que 20$ par mois et à un sofa avec pouf assorti pour 2,99$ par mois pendant 55 ans (payable à partir de 2009); que Coutumart devrait être interné tant il coupe ses prix juste pour moi; que j’équilibrerais mon budget en mangeant des MaqueRot; que les seules personnes qui sourient dans les pubs d’Air Vicié sont les agents de bord et les petits sud-américains trop pauvres pour prendre l’avion; que jouer à Twister c’est drôle; que du pain, ça rebondit; que le shampoing Albeclito pourrait me procurer des orgasmes dignes de Peter North; qu’une bandaison matinale m’oblige à prendre une douche en chantant, que la Bide Lite m’évite de prendre du ventre et de travailler tout en me garantissant piscine, popularité et pitounes qui dansent toute la nuit sur de la musique poche dans des t-shirts moulants...

Hier soir, la télé m’a appris que j’étais vachement brillant. C’est pour ça que je vais pisser pendant les émissions...

vendredi 12 novembre 2004

Aphorisme

Pour l'instant, la bière est dans le verre. Inévitablement, les vers seront dans la bière...
Bide en vie puis morbide.

jeudi 11 novembre 2004

Aphorisme

Trop de gens meurent sans l'avoir mérité.

Mignonne

C’est ma grand-mère. Grand comme dans «grand amour», pas grand comme dans asperge, car elle était plutôt une petite pomme. Sur les photos de sa jeunesse, elle est d’une grande beauté, toujours rieuse, une étoile dans les yeux. Je comprends très bien mon grand-père Ernest d’avoir craqué pour ce petit bout de femme à l’air espiègle.

Moi, je suis arrivé dans sa vie un peu tardivement. Ce bout déjà petit de femme avait depuis longtemps commencé à rapetisser sous le poids du temps. Après la mort de mon grand-père, elle a quitté sa maison et la baie Mississiquoi pour venir habiter chez nous. Elle a bien tenté de garder son sourire, mais la vie se faisait lourde. Chaque fois qu’elle passait devant la photo d’Ernest, elle soupirait doucement, puis demandait de mes nouvelles. Elle feignait de ne pas me croire quand je lui disais que je n’avais pas quatre copines en même temps, et elle me conseillait sans cesse de me faire une blonde anglo pour pratiquer mon anglais. Où je vivais, il n’y avait qu’une anglo et elle était un peu moche... En fait, la fille se nommait Foster, mais je ne suis pas sûr qu’elle parlait anglais. Tout cela pour dire que malgré mon amour pour Mignonne, elle me les cassait un peu avec cette fixation.

Puis la maladie est venue. Pas celle qui vous enlève les jambes ou les cheveux, mais la pire, celle qui vous enlève l’esprit. Sa démarche est devenue plus pataude et la beauté espiègle d’autrefois pétait à chaque pas. Au crépuscule de sa vie, Mignonne cochait chacune des pages qu’elle lisait afin de ne pas les relire deux ou trois fois. Une fois je l’ai vue pleurer, ultime rempart contre l’oubli. Combien de fois l’a-t-elle fait derrière sa porte close...

La dernière fois que j’ai vu Mignonne, elle ne m’a pas reconnu.

J’ai connu Mignonne sous l’angle de novembre, de la vieillesse et de la maladie. Si elle avait pu choisir, elle aurait sûrement préféré me montrer la belle femme qu’elle était à 25 ans. Mais pour moi, elle sera toujours celle qui jouait tous les jours «Les Fiancés du lac de Côme» au piano du salon. Elle sera toujours la plus belle.

On oublie trop souvent le vert des feuilles l'automne venu.

Circus minimus

On vit dans un cirque où on se fait projeter d'un canon dans un filet, pendant des années, à s’en démolir la colonne, à s’en rendre sourd, à finir par se compacter. Pour amuser la foule. Pour perdre sa vie. Pour la gagner un peu aussi. Puis endurer la logorrhée d’un clown frustré qui a les fesses en steak haché tant il s’est fait mordre par un chien dans son numéro de cirque.
Reste l’appareil auditif qu’on peut éteindre pour parer au pleurnichage ambiant, reste l’ironie comme ultime barrière contre le non-sens de la vie, reste la dynamite qu’on peut se mettre autour de la taille pour exploser en vol, pour ne jamais plus se poser, pour ne jamais plus retomber dans le filet mou de l’oubli.
Reste que parfois, il faut péter pour se faire entendre.
Et que le jour où le clown va mordre le chien, personne va comprendre.
(inspiré de Christian Bégin - Circus minimus)

mercredi 10 novembre 2004

Le Monstre sous le lit

J’étais couché dans mon lit, un double, une immensité blanche dans laquelle tous les soirs je sautais avec un grand bond afin d’éviter que le monstre sous le lit ne m’attrapent par les pieds. Je savais sauter très loin car j’étais toujours vivant après neuf ans. C’est ben pour dire.

Mon réveil-matin indiquait 22h. Même de sous mes couvertures, même la tête habillée de mon oreiller, même avec une chanson de Charlebois que je chantais fort, j’entendais les efforts que déployait Gertrude, ma gardienne, afin de contenir les assauts de son copain Gilles. Curieuse alternance de négations, de halètements et de grincements de matelas. Le lit de mes parents était une grande commère.

Mes parents étaient partis. Sortie de grands. Ils étaient capables de rentrer à des heures impossibles, voire minuit. Moi, sous ma couverture en guise de tente, dans mon lit en guise de monde, je souhaitais intérieurement qu’ils ne rentrent jamais, qu’un agent de police vienne frapper à la porte, le regard plaqué au sol, la casquette dans les mains. Je me serais alors réveillé avec le statut de héros et je serais allé vivre, valise à la main, chez mononc’ Pierre ou chez ma tante Rollande. Et tout le monde aurait chuchoté pendant des années la grandeur de mon courage en balançant doucement de gauche à droite un sourire triste et bienveillant.

Je souhaitais vraiment, ardemment qu’ils ne rentrent pas. Il était 22h10 et chaque minute qui passait me rapprochait de ma condition d’orphelin courageux.22h11. Gilles a râlé puis a pété en riant. 22h12...

Le bruit de la porte m’a réveillé. Mon cadran indiquait 22h43. J’ai entendu la voix joyeuse de ma mère qui insistait sur le fait que le deuxième film était pas mal meilleur que le premier. Moi, je n’étais pas orphelin. Je me suis enfoncé un peu plus loin sous les couvertures, un peu coupable d’avoir souhaité leur disparition. Un peu triste, aussi. Douce déception.

Un jour, mes parents sont partis, et minuit est passé sans qu’ils ne reviennent. Des agents sont venus me chercher. Enfin héros. Je suis allé vivre avec Gertrude. Mais mes parents sont revenus me voir. Je décris pas le désappointement.

Des années plus tard, j’ai toujours cette vague déception quand les gens reviennent me voir. À moins que je ne sois déçu et vaguement gêné d’être toujours au même endroit, dans une autre immensité blanche, à me couvrir la tête de mon oreiller et à chanter «You’re a frog, I’m a frog» pour ne pas entendre Gertrude se taper le concierge entre deux pilules. Je me suis laissé attraper par le monstre. J’ai pas dû sauter d’assez loin. Mais je suis toujours vivant après 14 ans. C’est ben pour dire.

Il est 22h43. J’entends le concierge jouir, puis je pète souriant.

mardi 9 novembre 2004

Galad don...

Avant de me lancer des roches pour le post précédent...
Galad
Elle a beaucoup voyagé (et pas juste en fumant!)
À notre tour de voir du pays avec elle.

Suburban Talk

Je habiter West Island. Je suis ne jamais aller dans downtown. Sauf des temps. Sur Crescent. Soooo cool! Je suis aller jamais à la Est de ça. Rien pour voir là. Mais je vouloir pas mouver downtown. Too many françaises. Je suis ne jamais aller à l'Ontario aussi. Mais je aime ma pays. Je suis canadian. Number One!

Comme tu pouvez voir, mon langue ne pas être le française. J'ai né dans West Island. Mon mère être française. Mon père être albertaine. So, je parler française à la maison jamais. Too difficult. Je prendre un cours de française depuis 10 ans. Imaginer: c'être obligatoire! Ça suce. Le anglais être natural. Facile. Toute le monde parler anglaise près de mon maison. Même les frenchies. Je ne pouver pas me souvenir quelqu'un qui pas parler anglaise de. Mais honnestly, les Quibecwââ, ils parler pas française. Ils parler Qwibecwâse. Ça être slang, pas un langue.

Je n'écouter pas la musique ou la tv ou la cinéma française. Ça écoute ridicule. Cheap. Je préférer le American movies. Plus de l'actions! Plus du budget!

Dans la derniers élections, je voter Liberal. Comme tout le monde je pouver penser de. Normal. Vous pouver voter pas pour PQ; ils sont nazis. Les autres sontaient de communistes. Anyway, Liberal être le bonne choix. 95% de les anglaises dans West Island voter liberal. Ça prouver mon point, non?

Ma prof de Française rester le downtown. Il refuser de habiter le West Island, il diser. Il diser que il pouvoir rester pas dans West Island because toute le monde pense le même ici. Il diser cela parce que, il diser, qu'on connaître pas Guy Vigneult - ou Jean, I don't remember -, qu'on pas écouter la musique française, ou quelque chose. Mais c'être normal qu'on connaître pas; c'être française!! Moi être canadian. Il être tellement, comment vous disez? stubborn. Toutes les qwibecwase être de même. Ils diser que on ignorer eux. Pfff.

Anyway. Ceci être pourquoi je penser mouver dans le Ontario. C'être le faute de les racistes quibekwases.

Aphorisme

Variation sur le même thème

Ailleurs, c'est comme ici, mais ailleurs.

Aphorisme

Ailleurs, c'est l'ici des autres.

samedi 6 novembre 2004

Une Île de sucre

J'ai fait une petite île de sucre sur la mousse de mon bol de café au lait. La mousse l'a supportée au début, mais au bout de quelques secondes, l'île s'est mis à couler. Lentement, puis de plus en plus rapidement. Puis elle s'est complètement engloutie. Derrière elle, il n'y avait plus qu'un petit trou que la mousse avait entrepris de recouvrir.

Il y a des matins où ma vie est un petit trou dans de la mousse.

vendredi 5 novembre 2004

Attention, je vous écoute...

«Au début, j'étais un homme. Je me repose depuis.»
Jean-François Domingue

jeudi 4 novembre 2004

Mes Bretzels

Bush a ses bretzels. Voici les miens:

Les phrases suivantes:
“comme qu’on dit” après n’importe quoi;
“chus pas raciste mais...”
“attends, j’ai un appel sur l’autre ligne”

Les personnes qui:
trouvent que le gaz est cher;
qui ne vont voir que des powpow hollywoodiens parce qu'ils vont au cinéma pour s'amuser, pas pour réfléchir;
qui confondent indépendance et nazisme;
qui parlent fort au téléphone cellulaire en public;
qui chialent comme je chiale en ce moment...
qui conduisent et qui attendent que leur voiture roule pour attacher leur ceinture;
qui refusent d’enlever leur sac à dos et qui marchent de toute leur largeur d’épaules dans un autobus bondé;
les chauffeurs d'autobus qui attendent 20 minutes à 50 pieds de l'arrêt, alors qu'on attend à l'arrêt et qu'il fait -20.

Ou encore:
quand je mets des bas troués le trou du côté du petit orteil, pensant ainsi “déjouer” le trou (c'est qu'il est rusé, ce sapré trou...);
les rouleaux de papier de toilette qui se déroulent du côté du mur;
les emballages qui me résistent;
la pellicule plastique qui se colle sur elle-même dès qu'on la sort de la boîte.
etc.

Juste énumérer ces quelques irritants m'a fait un bien fou, bien qu'il en reste d'autres.
Quels sont vos bretzels?

Je vous laisse, j'ai un appel sur l'autre ligne...

mardi 2 novembre 2004

La Chair à canon d'antan

Hier soir, en enlevant sa chemise, Ernest se regarda dans le miroir. Sur son biceps droit, un tatouage, reliquat d’une guerre d’un autre monde; une femme avec des seins impossibles à cheval sur un canon. Le genre de truc qu’on regrette sitôt la première goutte d’encre injectée. Pour bien voir le tatou aux contours maintenant flous, Ernest dut étirer la peau avec sa main gauche. Il était difficile de tendre également la peau flasque, et la belle d'antan ressemblait à un phénomène de foire hors focus. Dès qu’il la relâcha, la femme se recroquevilla honteusement dans les mous replis. Ernest était devenu trop petit pour sa peau. Son regard s'emplit de buée.

Ernest soupira puis éteignit la lumière.

lundi 1 novembre 2004

L'Heure normale

Samedi soir, halloween des adultes, des grands. On avait réservé le dimanche pour les petits. Le Boudoir a mis quelques heures à se remplir. Tout le monde prenait son temps; la soirée durerait tout de même une heure de plus; retour à l’heure normale. Dire que tout ce temps, on se disait avancés...

Pour l’occasion, j’étais déguisé en Samantha (de la série télé Bewitched - ou Ma Sorcière bien aimée). Mais on aurait pu croire à une sorte de croisement entre Shéhérazade et Jojo Savard. Frissons. Vers minuit, j’étais entouré de dame V. en nonne sexy et enceinte, de Gabrielle en pimp, de Diane en fée rose, des triplettes de Longueuil en triplettes de Belleville et de J-F en crash test dummy. On me demandait de remuer le ventre ou le nez. Rien à faire. Une règle de bois. Ces mêmes règles que j’avais cassées en quantité industrielle alors qu’enfant, je m’en servais comme tremplin à efface. Raide mais pas trop ferme. Trop de temps dans ma bouteille. Mais contre toute attente, mon costume allié à celui de la nonne nous a mérité une bouteille de scotch.

J’ai profité de mon costume ridicule pour piquer une jasette avec un Tony Tremblay déguisé en poète urbain pour l’occasion. Il m’a tout de suite reconnu malgré les faux cils, ce qui m’a laissé un peu sur le cul. On a reculé l’heure et on a vécu un déjà vu généralisé. On a passé deux fois le cap des 2h30 du matin ensemble, rigolards, verres d’alcool à la main. J’ai enlevé ma perruque, puis mon soutien-gorge. C’est fou ce qu’un tas de poils monté sur un filet élastique et des seins bourrés de bas repliés peuvent attirer comme amis. J’aurais pas cru.

Vers les nouveaux 3h, je suis parti. Je ne me souviens pas d’avoir dit au revoir à quelqu’un. Pompidou. Je me rappelle vaguement d’avoir réglé l’ardoise et de m’être retrouvé assis à l’arrière d’un taxi, gougounes à la main. La fête était finie.

Le lendemain, dame V. s’est réveillée avec un mec à faux cils à ses côtés. Pathétique. Ce n’était plus la fête des grands et mon mal de bloc me l’a rappelé. Place aux petits. Je n’étais plus qu’une ombre de sorcière peu aimée. Toute la journée, j’ai eu une heure de retard.

Paraît-il que c’est l’heure normale.