lundi 29 novembre 2004

Téléphone arabe

Guilou guilouguilou...
- Mohamed!
Guilou guilouguilou...
- Merde Mohamed, ça sonne!
Guilou guilouguilou...
Mohamed ne répond pas. Il dort dur. Ça m'oblige à sortir de ma boîte de carton. Il est 5 heures du matin. Seul un réverbère rouillé éclaire la ruelle, et encore, par intermittence. Je donne un coup de pied dans la boîte Frigidaire.
- Tu réponds, chameau?
Mohamed, c’est le seul de mes amis qui a un cellulaire. C’est le seul de mes amis tout court, je dirais. Mais en plus, il a un cellulaire. Je sais pas comment il a réussi son coup. Toujours est-il que ça en jette; quand il quête avec son cellulaire à l’oreille, il fait 20$ de l’heure de plus que moi. Les gens se disent qu’il a un cellulaire, que donc s’il demande 1$ c’est qu’il en a réellement besoin... C’est con, des gens.
Guilou guilouguilou...
Toujours cette sonnerie liquide malgré le froid. Toujours aucune réaction de Mohamed. Il dort gelé dur. J’ai un doute. J’applique 2 doigts sur sa jugulaire. C’est froid, même pour janvier. Le con. Je l’aurais cru plus fort. Ça vit combien de temps, un Arabe?
Je regarde Mohamed une dernière fois. J’envie sa fraîcheur quelques secondes. Pas longtemps. Puis je réalise qu’il me faudra changer de ruelle avant que les flics ne flairent l’odeur de viande froide. Je suis pauvre, je suis un coupable abordable. Je tire le cellulaire de la poche de Mohamed. Il ne sonne plus.
Aujourd’hui, je ferai 20$ de l’heure de plus qu’hier.

2 commentaires:

  1. Je n'ai jamais eu envie d'un cellulaire, mais juste à voir l'effet que celui de Mohamed a sur ma rate, je te promets que le jour où ils inventeront des sonneries comme celle-là, je m'abonne!

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  2. C'est donc ça la polyfunhihihi.

    Sans blague, je me demande bien qui l'appelait.

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