lundi 4 avril 2005

Amitiés, amours et autres mécaniques

Accoudés devant quelques pintes, Tristan, Jean et moi jasions d’huile et de tôle comme des experts lobotomisés. Motos, bazous, F1, on avait des solutions pour tout. L’heure tardive et les vapeurs de houblon aidant, nos limpides verdicts mécaniques tranchaient de plus en plus sur la grandissante obscurité de notre terminologie. Vers les 2h30, il ne nous restait plus que quelques «truc», «chose» et autres «patente» pour nous exprimer. Avant de ne plus être capables de se comprendre, on s’est tu quelques instants. C’est Tristan qui a coupé le silence.

- Caroline et moi, on se sépare.

J’avais les mains qui réchauffaient ma bière. La vie avait une haleine de fin de soirée. Jean et moi avons eu une brève pensée pour nos fins du monde respectives. Tristan nous a tout résumé. Dans ses yeux, il y avait cette fierté qu’on attribue habituellement aux guerriers épuisés, aux rois déchus et aux forteresses anciennes, mais on pouvait entendre les termites qui rongeaient la charpente. Il y a pire que voir un ami pleurer; il y a le voir sourire quand on sait qu’il pleure dès qu’on a le dos tourné.

Avant de mettre mon manteau, je l’ai serré dans mes bras. Un chat qui console un tigre.

- Prends soin de toi, Tristan. J’t’aime b’en, tu sais.

En partant du bar, le taxi a laissé derrière lui un petit nuage bleu qui a mis quelques secondes à se dissiper. Du truc qui coule de la patente, sans doute.

4 commentaires:

  1. Et parfois y'a derrière les larmes, sincères ou refoulés, un soulagement réciproque. Soulagement de voir que la patente dans le truc sera bientôt réparée.

    Vous m'excuserez, j'ai rendez-vous autour d'un scotch avec un ami. Il a le sourire un peu faux, une rupture plantée dans le coeur, et besoin d'une épaule amie...

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  2. Ouch ! Daniel, t'as du.. euh.. du truc, là, du talent, c'est ça !
    On en reste muet de pantoisie..

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  3. Très beau. Retenue, maîtrise.
    G

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  4. Mazette. Même triple mazette. Pour diverses raisons donc et au moins trois. Rajoutons à cela ce "Il y a pire que voir un ami pleurer; il y a le voir sourire quand on sait qu’il pleure dès qu’on a le dos tourné." qui résonne si vrai. Ou ce "un chat qui console un tigre" qui fait pâlir d'envie de plume et rosir de plaisir à la fois.
    Sensible, sincère et bien mené.
    Mazette disais je donc.

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