(Thème de la semaine dernière du Coïtus Impromptus)
Philippe est assis par terre, contre le mur de sa chambre. Près de lui, une pluie de souvenirs jonchent le sol; des photos d’elle, des photos d’eux, des souvenirs en gouttes salées, une enveloppe remplie de mots trop durs pour être prononcés, et d’autres missives jamais envoyées, lettres mortes qui ne se rendront pas au destinataire, du moins pas en mains propres. Philippe repose par terre. Enfin. Sur le mur derrière sa tête fane une énorme fleur rouge, et dans sa main s’attiédit un pistolet lourd comme un soupir, cruel outil à creuser des trous de mémoire, des trous par où les souvenirs coulent lentement vers l’oubli. À cause de la gravité.
lundi 31 octobre 2005
jeudi 27 octobre 2005
Plus personne ne meurt de vieillesse
Autrefois, quand les vieux s’éteignaient, on disait qu’ils mouraient de vieillesse, comme si le grand âge était en soi une raison suffisante pour mourir, comme si l’usure du temps finissait assurément par nous percer, comme si la vie décidait un jour que nous avions fait notre temps.
- Maman, il est où monsieur Verreault?
- Au ciel avec madame Verreault.
- Pourquoi il est au ciel?
- Parce qu’il est mort de vieillesse.
- Ah.
Aujourd’hui, on ne meurt plus de vieillesse. On meurt de sarcome mésenchymateux, d'infarctus du myocarde, de pneumonie à infection pneumococcique. Ainsi, même très vieux, ce n’est plus normal de mourir. Il nous faut une raison, un rapport d’autopsie, une analyse de la défaillance. Puis on dit mon dieu, c’est con mourir d’une pneumonie alors qu’il n’a jamais fumé.
- Maman, il est où monsieur Verreault?
- Dans une urne vernie.
- Pourquoi il est dans une urne vernie?
- Parce qu’il est décédé des suites d’une thrombose veineuse profonde du fait d'une complication aiguë - une embolie pulmonaire tu vois - et d'une complication secondaire, le syndrome post-phlébitique. Ç’aurait pu être évité, mais bon, monsieur Verreault n’était pas fort fort sur les visites chez le médecin, et il se négligeait un peu…
- Ah. Il était con, monsieur Verreault…
Aujourd’hui, je viens de réaliser que j’aurai beau crever à l’âge de trois cents ans, jamais je ne mourrai de vieillesse.
J’aurais pourtant aimé ça.
- Maman, il est où monsieur Verreault?
- Au ciel avec madame Verreault.
- Pourquoi il est au ciel?
- Parce qu’il est mort de vieillesse.
- Ah.
Aujourd’hui, on ne meurt plus de vieillesse. On meurt de sarcome mésenchymateux, d'infarctus du myocarde, de pneumonie à infection pneumococcique. Ainsi, même très vieux, ce n’est plus normal de mourir. Il nous faut une raison, un rapport d’autopsie, une analyse de la défaillance. Puis on dit mon dieu, c’est con mourir d’une pneumonie alors qu’il n’a jamais fumé.
- Maman, il est où monsieur Verreault?
- Dans une urne vernie.
- Pourquoi il est dans une urne vernie?
- Parce qu’il est décédé des suites d’une thrombose veineuse profonde du fait d'une complication aiguë - une embolie pulmonaire tu vois - et d'une complication secondaire, le syndrome post-phlébitique. Ç’aurait pu être évité, mais bon, monsieur Verreault n’était pas fort fort sur les visites chez le médecin, et il se négligeait un peu…
- Ah. Il était con, monsieur Verreault…
Aujourd’hui, je viens de réaliser que j’aurai beau crever à l’âge de trois cents ans, jamais je ne mourrai de vieillesse.
J’aurais pourtant aimé ça.
mardi 25 octobre 2005
Devinette du mardi
Hier, A. va faire un tour chez le coiffeur et donne comme simples indications à ce dernier un simple «Plus courts, s.v.p.» Dès sa sortie de chez le coiffeur, A. se passe la main dans les cheveux pour défaire cette mise en pli improbable que font toujours les artisans du peigne, puis A. se dirige vers le gym où l’attendent B., C., D., E., F. et G.
Quand A. arrive au gym, B dit:
- T’es en retard. T’étais où?
C. laisse tomber, en relevant légèrement le bas de son pantalon:
- C’est pas joli joli, des bas noirs pour aller au gym.
D. chuchote en pointant du menton:
- Woupoupoup, regarde la fille avec le sweat suit blanc écrit «juicy» sur les fesses…
E. lance, le coin des lèvres un peu par en bas:
- Tiens, tu t’es fait couper les cheveux? Il était temps!...
F. ajoute:
- Pas très réussi... T'as pas cassé ton cochon pour ça, j'espère?
Et G. marmonne quelque chose d’inintelligible en se rongeant un petit bout de peau qui retrousse sur son index gauche.
Questions:
De A., B., C., D., E., F. et G., qui est de sexe masculin?
Qui sort avec qui?
Quel est l'âge du capitaine?
(La réponse à la fin des annonces classées)
Quand A. arrive au gym, B dit:
- T’es en retard. T’étais où?
C. laisse tomber, en relevant légèrement le bas de son pantalon:
- C’est pas joli joli, des bas noirs pour aller au gym.
D. chuchote en pointant du menton:
- Woupoupoup, regarde la fille avec le sweat suit blanc écrit «juicy» sur les fesses…
E. lance, le coin des lèvres un peu par en bas:
- Tiens, tu t’es fait couper les cheveux? Il était temps!...
F. ajoute:
- Pas très réussi... T'as pas cassé ton cochon pour ça, j'espère?
Et G. marmonne quelque chose d’inintelligible en se rongeant un petit bout de peau qui retrousse sur son index gauche.
Questions:
De A., B., C., D., E., F. et G., qui est de sexe masculin?
Qui sort avec qui?
Quel est l'âge du capitaine?
(La réponse à la fin des annonces classées)
vendredi 21 octobre 2005
Gestation des angoisses
Il y a le temps des silences, le temps où l’on tait les je t’aime pour ne pas faire fuir, pour ne pas faire peur, pour ne pas que les embryons avortent comme ils le font parfois au printemps. Le temps d’être sûr comme si ça se pouvait. Il y a le temps des angoisses muettes, le temps de saisir que nos gestes, nos paroles et notre être tout entier ont une réelle portée. Il y a le temps où paralyse la peur de sortir de son nombril, de perdre ses amis parce qu’on n’a plus qu’un sujet de conversation, de tenir un bonheur insoutenable à bout de bras et d’en être trop faible, de devenir « mononc’ » avant d’être vieux, de tondre son gazon pour fuir son salon, d'être pris en étau par les gosses. Cette magnifique peur d’être dieu pour quelqu'un, et surtout la terrible peur de redevenir homme après quelque temps.
Puis je croise le regard neuf d’un bébé, ses mains qui ne peuvent saisir qu’un doigt à la fois, ses pieds qui battent les airs de rage et de plaisir. Et pendant qu'il poursuit sa route avec ses dieux épuisés, je regarde le ventre de ma blonde qui commence tout juste à s’arrondir, et je souris.
Puis je croise le regard neuf d’un bébé, ses mains qui ne peuvent saisir qu’un doigt à la fois, ses pieds qui battent les airs de rage et de plaisir. Et pendant qu'il poursuit sa route avec ses dieux épuisés, je regarde le ventre de ma blonde qui commence tout juste à s’arrondir, et je souris.
lundi 17 octobre 2005
Le Goût du métal
Texte écrit pour le Coïtus de cette semaine.
À ce que les vieux racontent aujourd’hui, il fut un temps où il y avait des bancs de neige hauts de huit pieds, où l’hiver durait d’août à juin, et où la vapeur des mots tombait en glace par terre dès que ces derniers sortaient des bouches tant il faisait froid. Pour avoir une quelconque conversation, il fallait, sur le poêle, dégeler dans le bon ordre les blocs de vapeurs qu’on ramassait sur le plancher de la cuisine… Jean, comme tous les enfants de cette époque, marchait deux miles le vent de face pour aller à une école plantée au haut d’une côte. Au retour, le chemin, à nouveau en pente ascendante, s’étendait sur un bon mile de plus, sans compter que le vent était toujours de face. Pas d’automobiles pour faire paresseusement du ski-bottines, pas de ski-doo pour subir le coup de la corde-à-linge avec la clôture électrique du champs des Bergeron, rien. Juste une tuque des Canadiens et des botillons bourrés de gazette pour affronter les chemins enneigés et les froids du Cânâdâ. Ce n'était pas une époque pour les fluets, non madame. Ainsi était la dure vie en 1926.
C’est le 18 février de cette année que Jean apprit à zézayer. Il revenait tranquillement de l’école en kickant des bouses gelées en guise de rondelles de hockey. Tout était pittoresque: le paysage blanc-bleu, le chemin brun-pomme de route, et la goutte étincelante au bout d’un nez que Jean essuyait dans son foulard déjà raidi d’haleine gelée. Le petit marchait tranquillement vers la maison, mains nues dans les poches, gracieuseté de Boum-Boum Paquin qui lui avait volé ses mitaines. Il paierait demain, le petit saligaud. Pour l’instant, Jean tentait de rentrer se réchauffer près de la truie sans échapper en chemin un de ses doigts déjà gelés. Rendu à la maison, devant la porte d’entrée, Jean hésita à sortir les mains de ses poches pour tourner la poignée. Il se dit qu’il ferait bien de frapper avec ses pieds pour que sa mère, Émilie, vînt lui ouvrir. Mais Jean avait neuf ans et une idée géniale: pourquoi ne pas tourner la poignée avec sa bouche?
Je fais une pause-information pour mes nombreux lecteurs vivant dans des pays où deux centimètres de neige est une tempête, et où zéro degré Celcius est synonyme de cryogénisation: une langue chaude et humide se soude littéralement à tout objet métallique gelé. Une simple tirette de fermeture-éclair peut vous arracher un bout de lèvre en moins de temps qu’il n’en faut pour avoir l’air fou. Alors, imaginez une poignée de porte, une boîte aux lettres ou un poteau d’arrêt. Oui, oui, un poteau d'arrêt! L'être humain est tenté par bien des expériences pour cultiver le petit champ fertile de ses connaissances.
Fin de la partie instructive. Revenons au pauvre Jean.
Jean se rendit vite compte qu’il était douloureusement soudé à la porte par la langue dans une position qui n’avantageait pas grand monde. Il tenta de se tirer de là seul, mais rien ne vaut une papille gustative qui menace de se détacher pour faire entendre raison. La langue collée à la poignée, les mains toujours dans les poches, le pauvre bougre se décida d’appeler sa mère à l’aide. «À ’È’’!» «À ’È’’!» Rien. Sa mère n’entendait pas ses vocalises. Comme la première idée est souvent la meilleure, Jean entreprit alors de frapper à la porte avec ses pieds. Bang! Bang! Bang!
Maman Émilie arriva toute paniquée et vit son fils, penché devant la porte, la poignée dans la bouche. « ‘A’an!» cria-t-il, heureux à en pleurer. Émilie, qui n’en était pas à sa première situation saugrenue et qui avait vu neiger avec ses six autres enfants, n’était nullement impressionnée par les prouesses de son ainé.
- Qu’est-ce que tu fais là, petit niaiseux?!
Et elle tourna la poignée…
Si un jour vous rencontrez un vieux monsieur qui s’appelle Zean, vous comprendrez pourquoi il geint doucement quand il mange à la cuiller. Il a encore la larme facile, le pauvre.
À ce que les vieux racontent aujourd’hui, il fut un temps où il y avait des bancs de neige hauts de huit pieds, où l’hiver durait d’août à juin, et où la vapeur des mots tombait en glace par terre dès que ces derniers sortaient des bouches tant il faisait froid. Pour avoir une quelconque conversation, il fallait, sur le poêle, dégeler dans le bon ordre les blocs de vapeurs qu’on ramassait sur le plancher de la cuisine… Jean, comme tous les enfants de cette époque, marchait deux miles le vent de face pour aller à une école plantée au haut d’une côte. Au retour, le chemin, à nouveau en pente ascendante, s’étendait sur un bon mile de plus, sans compter que le vent était toujours de face. Pas d’automobiles pour faire paresseusement du ski-bottines, pas de ski-doo pour subir le coup de la corde-à-linge avec la clôture électrique du champs des Bergeron, rien. Juste une tuque des Canadiens et des botillons bourrés de gazette pour affronter les chemins enneigés et les froids du Cânâdâ. Ce n'était pas une époque pour les fluets, non madame. Ainsi était la dure vie en 1926.
C’est le 18 février de cette année que Jean apprit à zézayer. Il revenait tranquillement de l’école en kickant des bouses gelées en guise de rondelles de hockey. Tout était pittoresque: le paysage blanc-bleu, le chemin brun-pomme de route, et la goutte étincelante au bout d’un nez que Jean essuyait dans son foulard déjà raidi d’haleine gelée. Le petit marchait tranquillement vers la maison, mains nues dans les poches, gracieuseté de Boum-Boum Paquin qui lui avait volé ses mitaines. Il paierait demain, le petit saligaud. Pour l’instant, Jean tentait de rentrer se réchauffer près de la truie sans échapper en chemin un de ses doigts déjà gelés. Rendu à la maison, devant la porte d’entrée, Jean hésita à sortir les mains de ses poches pour tourner la poignée. Il se dit qu’il ferait bien de frapper avec ses pieds pour que sa mère, Émilie, vînt lui ouvrir. Mais Jean avait neuf ans et une idée géniale: pourquoi ne pas tourner la poignée avec sa bouche?
Je fais une pause-information pour mes nombreux lecteurs vivant dans des pays où deux centimètres de neige est une tempête, et où zéro degré Celcius est synonyme de cryogénisation: une langue chaude et humide se soude littéralement à tout objet métallique gelé. Une simple tirette de fermeture-éclair peut vous arracher un bout de lèvre en moins de temps qu’il n’en faut pour avoir l’air fou. Alors, imaginez une poignée de porte, une boîte aux lettres ou un poteau d’arrêt. Oui, oui, un poteau d'arrêt! L'être humain est tenté par bien des expériences pour cultiver le petit champ fertile de ses connaissances.
Fin de la partie instructive. Revenons au pauvre Jean.
Jean se rendit vite compte qu’il était douloureusement soudé à la porte par la langue dans une position qui n’avantageait pas grand monde. Il tenta de se tirer de là seul, mais rien ne vaut une papille gustative qui menace de se détacher pour faire entendre raison. La langue collée à la poignée, les mains toujours dans les poches, le pauvre bougre se décida d’appeler sa mère à l’aide. «À ’È’’!» «À ’È’’!» Rien. Sa mère n’entendait pas ses vocalises. Comme la première idée est souvent la meilleure, Jean entreprit alors de frapper à la porte avec ses pieds. Bang! Bang! Bang!
Maman Émilie arriva toute paniquée et vit son fils, penché devant la porte, la poignée dans la bouche. « ‘A’an!» cria-t-il, heureux à en pleurer. Émilie, qui n’en était pas à sa première situation saugrenue et qui avait vu neiger avec ses six autres enfants, n’était nullement impressionnée par les prouesses de son ainé.
- Qu’est-ce que tu fais là, petit niaiseux?!
Et elle tourna la poignée…
Si un jour vous rencontrez un vieux monsieur qui s’appelle Zean, vous comprendrez pourquoi il geint doucement quand il mange à la cuiller. Il a encore la larme facile, le pauvre.
dimanche 16 octobre 2005
Sociologie à 5 sous
Au retour d’une journée de travail, après un baiser à ma mère, mon père allait directement travailler dans le jardin. Bèche ici, sarcle là, arrache ci, tasse ça, tout ceci les deux pieds dans des souliers vernis, le col relâché, le gros bout de la cravate sur l’épaule, le petit au vent. À toutes les cinq minutes, mon père se redressait pour jauger son oeuvre horticultrice et, empli de cette satisfaction qu’apportent des légumes bien rangés, les mains dans les poches, il faisait tinter joyeusement ce que, du bas de mes trois pommes, j’imaginais une petite fortune en pièces de monnaie. Derrière, immanquablement, la voix de ma mère qui reprochait à son époux de travailler la terre dans ses beaux habits.
Alors qu’autrefois je n’y voyais qu’une dynamique parentale parmi tant d’autres, aujourd’hui, je souris à ce merveilleux instant de sociologie familiale: aux réflexions féminines sur la propreté criées depuis la fenêtre de la cuisine, mon père renvoyait comme contre argument un simple tintement de monnaie du fond de sa poche, le sourire satisfait.
Alors qu’autrefois je n’y voyais qu’une dynamique parentale parmi tant d’autres, aujourd’hui, je souris à ce merveilleux instant de sociologie familiale: aux réflexions féminines sur la propreté criées depuis la fenêtre de la cuisine, mon père renvoyait comme contre argument un simple tintement de monnaie du fond de sa poche, le sourire satisfait.
mercredi 12 octobre 2005
Attention, je vous écoute...
«Criss de beau but: en désavantage numérique, au ralenti, tout!»
Un inconnu assis près de moi dans un bar, ébahi devant un but des Canadiens de Montréal montré en reprise à la télé.
Un inconnu assis près de moi dans un bar, ébahi devant un but des Canadiens de Montréal montré en reprise à la télé.
lundi 10 octobre 2005
Delete
Texte écrit pour le Coïtus
Chère amour,… Non.
Julie,… Non plus.
Yo! Voilà.
Je crois que toi et… Non.
Depuis que tu m’as tromp… Non plus.
Ton odeur m’écoeure. Voilà.
On devrait se lais… Non.
J’espère que tu comp… Non plus.
Je couche avec ta soeur. Voilà.
En te souhaitant des jou… Non.
Adieu… Non
…en ce moment. Voilà.
Signé:
Ton Paulo… Non
Paul… Non plus.
[Rien] Voilà.
P.-S.
On verra pour le parta… Non
Laisse la clé sous le paillas… Non plus.
J’ai changé les serrures. Voilà.
Chère amour,… Non.
Julie,… Non plus.
Yo! Voilà.
Je crois que toi et… Non.
Depuis que tu m’as tromp… Non plus.
Ton odeur m’écoeure. Voilà.
On devrait se lais… Non.
J’espère que tu comp… Non plus.
Je couche avec ta soeur. Voilà.
En te souhaitant des jou… Non.
Adieu… Non
…en ce moment. Voilà.
Signé:
Ton Paulo… Non
Paul… Non plus.
[Rien] Voilà.
P.-S.
On verra pour le parta… Non
Laisse la clé sous le paillas… Non plus.
J’ai changé les serrures. Voilà.
Poursuite
Au coin de la rue, une jolie femme dans la jeune quarantaine court sur place en attendant que le feu change au vert. Il pleut, il fait froid, et les roues des voitures éclaboussent son pantalon moulant assorti aux chaussures sport dernier cri. La femme piétine le béton pour garder le souffle et pour perdre sa légère culotte de cheval. Elle profite du moment pour prendre son pouls sur dix secondes. Un doigt sur la jugulaire, un poignet devant les yeux. Gauche droite gauche. Top chrono. Un-deux-trois-quatre… Stop. Fois six… Papapapa… 162. Légère panique: trop bas! Pourtant elle souffre, pourtant elle est rouge, elle sue, elle halète. Dans l’autre direction, une main lumineuse clignote. La femme pourra bientôt poursuivre sa course. Elle ajuste le son du baladeur à sa taille, question de moins ressentir la douleur. L'homme derrière elle ne lui dira pas qu’elle ne devrait pas se torturer de la sorte, que lui il aime bien ça les fesses un peu potelées, les hanches un peu fortes. Aveu impossible devant la vérité des revues de mode. Puis réapparaissent le petit bonhomme blanc, le feu vert, la course pour retrouver son rythme et la taille de ses vingt ans.
vendredi 7 octobre 2005
Une Craie dans la main et du maïs dans les dents
Avec le temps, j’ai constaté que la pédagogie obéissait à certaines règles qu’on n’enseignait pas à l’université. Au fait, chers vous, qu’apprend-on à l’université à part l’équation : 1 cours/jour + quelques bières/cours multiplié par x sessions (x étant inversement proportionnel à la détermination) = grosse dette? Je serais tenté de vous répondre qu’on y apprend principalement à faire quatre cours avec de la matière pour un seul, un peu comme on fait du pain blanc tranché. Menfin, je m’égare… Ainsi, voici quelques règles qui régissent l’enseignement collégial. (La liste n'est pas exhaustive. Vous en saurez plus en lisant Vingt et un Tableaux et quelques craies de François Gravel):
- Plus les profs ont droit à des journées de maladie, plus ils sont malades;
- Les profs sont les pires étudiants;
- Plus on en demande aux étudiants, plus ils en font;
- Les profs ne donnent pas trop de matière « culturelle » parce que selon eux, les étudiants n’ont pas la culture pour la comprendre (le principe de la saucisse Hygrade : plus de gens en mangent parce qu’elles sont fraîches, et elles sont fraîches parce que plus de gens en mangent. Vous voyez le topo…) Ainsi on leur fait lire des articles sur les vertus du skateboard et on s’étonne qu’ils fassent des exposés sur Survivor;
- Une étudiante moche qui produit de bons travaux devient beaucoup plus jolie (l’intelligence me séduit, c’est comme ça);
- Un groupe difficile en début de session aura de bonnes chances de tomber sur la bonne voie en cours de route parce que le professeur travaillera en conséquence. Ce qui sous-entend malheureusement qu’un groupe qui va trop bien au début de la session servira d’oasis, d'aire de repos pour le professeur, et que ce groupe finira presque invariablement à déraper dans la première courbe serrée.
Ce matin, à 8h45 précises, j’ai entendu les pneus de mon cours crisser. Heureusement, j’ai eu le bon réflexe de ne pas tirer le frein à main en tournant brusquement le volant. Mais là, j’ai la désagréable impression d’être dans la boue jusqu’au milieu des roues…
- Plus les profs ont droit à des journées de maladie, plus ils sont malades;
- Les profs sont les pires étudiants;
- Plus on en demande aux étudiants, plus ils en font;
- Les profs ne donnent pas trop de matière « culturelle » parce que selon eux, les étudiants n’ont pas la culture pour la comprendre (le principe de la saucisse Hygrade : plus de gens en mangent parce qu’elles sont fraîches, et elles sont fraîches parce que plus de gens en mangent. Vous voyez le topo…) Ainsi on leur fait lire des articles sur les vertus du skateboard et on s’étonne qu’ils fassent des exposés sur Survivor;
- Une étudiante moche qui produit de bons travaux devient beaucoup plus jolie (l’intelligence me séduit, c’est comme ça);
- Un groupe difficile en début de session aura de bonnes chances de tomber sur la bonne voie en cours de route parce que le professeur travaillera en conséquence. Ce qui sous-entend malheureusement qu’un groupe qui va trop bien au début de la session servira d’oasis, d'aire de repos pour le professeur, et que ce groupe finira presque invariablement à déraper dans la première courbe serrée.
Ce matin, à 8h45 précises, j’ai entendu les pneus de mon cours crisser. Heureusement, j’ai eu le bon réflexe de ne pas tirer le frein à main en tournant brusquement le volant. Mais là, j’ai la désagréable impression d’être dans la boue jusqu’au milieu des roues…
jeudi 6 octobre 2005
Attention, je vous écoute...
«Il est né en quel âge?»
Marie-Loup de Repentigny
(Elle ne parlait pas de Pierre...)
Marie-Loup de Repentigny
(Elle ne parlait pas de Pierre...)
mardi 4 octobre 2005
Aphorisme
Il va de l’amour comme de la rédaction d’une dictée : on recherche l’exception à la règle, les accords muets, les mécaniques capricieuses qui unissent verbes et compléments. Puis on trouve souvent un peu bête celui qui tombe dans le piège.
lundi 3 octobre 2005
Un Vendredi matin au coin du boulevard Charest
Au troisième étage d’un hôtel deux étoiles de Québec, j’entendais la rumeur automobile du boulevard tout près, malgré que la fenêtre fût fermée. L’air de la pièce devait sentir la chambre d’ado, mais je n’avais pas le courage de glisser hors des couvertures pour jouer à l’adulte. Couché sur le dos, armé d’une télécommande usée, je regardais un téléviseur trop petit qui menaçait de glisser de son support mural d'un moment à l'autre. Y jouait une de ses émissions matinales beiges et exagérément joyeuses. On m’y enseignait la température qu’il faisait au Temiscamingue, les derniers potins de stars que je ne connaissais pas, et une technique de peinture maison que de toute évidence le décorateur de ma chambre d’hôtel ignorait. Un peu enfoncé dans mon matelas monoplace, j’ai fait bouger mes pieds sous le couvre-lit assorti aux rideaux. J'ai jeté un regard de côté au décor: si ce n’était de la porte en bois, je me serais cru dans une maison-roulotte près de l’autoroute. Le réveil-matin m’a appris qu’il me restait encore quarante minutes avant qu’il ne sonne. J’ai replacé l’oreiller sous ma tête. J’ai soupiré. En voulant changer de chaîne, j’ai appuyé sur mute. J’ai sacré en souriant.
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