Yvon n’a jamais appris à haïr. On lui a montré à être conciliant et gentil, à trouver du beau dans chacun, à refouler ses frustrations, car tout était de sa faute toujours, de l’oncle pervers aux assiettes échappées. Petit, il était toujours un des rois mages dans la crèche vivante, sauf en troisième année, où il a incarné l’âne. Le surnom lui est resté. Yvon n'en voulait à personne même si le soir, dans son lit, il priait fort pour ne pas retourner à l’école le lendemain. Et un lendemain, il n’y eut pas d’école, car son père était décédé durant la nuit d’une étrange maladie. En 1950, les gens mouraient comme ça, sans avertir. Alors, l'orphelin de père n’est jamais retourné à l’école et s’est trouvé un boulot car il fallait bien que ses frères puissent aller au collège. Le matin du deuxième jour, un collègue a reculé son camion pour faire une blague à Yvon, occupé entre deux pare-chocs à décharger des marchandises. Le collègue n'a pas su arrêter la blague et Yvon s'est éclater un genou. Depuis, il marche en code morse, un petit pas, un trait, un petit, un trait, comme s’il tapait la lettre A de ses souliers. Mais Yvon n’en veut pas à son collègue, car il n’a pas fait exprès. Le collègue en a longtemps voulu à Yvon car par sa faute, parce que l’âne n’a pas eu le réflexe de s’enlever de là, il a perdu son boulot.
À l’hosto, personne n’est venu voir Yvon. Enfin si, une fois ou deux, pour la forme. Mais jamais longtemps car Yvon n’avait pas de conversation. Il souriait seulement, comme on lui avait appris. Il a ainsi eu tout son temps pour écrire des poèmes, des poèmes pour la paix qu’il les appelle, des trucs pleins de fautes calqués sur des prières prémâchées que les gens bien rabâchent sans y penser le dimanche matin. À sa sortie de l’hôpital, il a essayé de les vendre en frappant sur porte close après porte fermée. Certains lui criaient de se trouver un boulot, d’autres riaient de son initiative, tous gardaient leur monnaie pour eux. Et quand il s’en allait, les gens se disaient qu’il n’avait sûrement pas d’amis à être ainsi gentil, sans se douter à quel point ils avaient cruellement raison. Yvon n’avait qu’un centre d’accueil, où ses «amis» lui volaient ses chaussures la nuit. Les responsables le priaient de se défendre, de ne pas se laisser faire, mais c’était au dessus de ses forces, et ce n'était que des chaussures, après tout. Rien ne servait d'en vouloir aux autres qui devaient bien, quelque part dans un coin d'ombre, être gentils eux aussi.
Yvon n’a jamais fait de mal à une mouche jusqu'au jour où il mourut dans son lit. La seule chose qu'il avait eue, le cœur, aura flanché tôt. En trente-deux ans, Yvon n’aura jamais appris à haïr. Pourtant, ce n’est pas parce qu’on n'avait pas essayé de lui montrer.
Juste un merci en passant, de chanter aussi mal...
RépondreEffacerPeu importe l’effort qu’on y met, les meilleurs n’apprendront jamais à être moins bon…et c’est eux qui nous quittent les premiers.
RépondreEffacerDans une société comme la notre, décidément, il faudrait que les moutons aient des crocs.
RépondreEffacerc'est eux les vrais héros, tout les yvon de la terre.
RépondreEffacerqui malgrés la société, malgrés la mechanceté ambiente continue à etre gentil.
pas forcement parcequ'on leurs a appris mais parcequ'il sont comme ça.
il en faut des yvon, pour que les plus forts et les méchants puissent continuer à l'être.
Voilà une belle chanson troublante de vérité... Fausses notes par-dessus fausses notes.
RépondreEffacerÇa prend tout un imbécile pour commenter un si beau billet en utilisant le nom du tristement célèbre Ted Bundy: une ordure qui grilla sur la chaise électrique de la Floride pour avoir violées et tuées plusieurs femmes.
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