mardi 28 février 2006

C'est kétaine, Joe Dassin...

Shower. Le mot, le concept fait frémir. Douche. Froide. Kétaine. De bébé. Pourquoi pas quêter de l’argent, vendre du chocolat ou des produits Amway tant qu’à y être? Des amis ont insisté, ils s’occuperaient de tout, on s’est dit ben coudon’. À condition que ce ne soit pas qu’une affaire de filles…

C’était dimanche dernier.

Il y avait un monde fou. Parents, cousins, amis. Certains dont la présence était des plus surprenantes car je savais bien qu’ils auraient préféré se faire arracher une dent à froid plutôt que d’aller à un shower (brrr!) de bébé. Pourtant ils y étaient, preuve immense et indéfectible de l’amitié, de l’amour qu’ils nous portent.

Dame V. et moi avions des airs d’enfant unique dans une trop grande et trop vieille famille; inondés de cadeaux. De l’argent aux bas (petits au point de croire impossible que des pieds humains puissent y rentrer), en passant par la doudou tricotée par grand-maman, les vêtements faits maison, le bain-pot-de-fleur pour nouveau-né et le chèque en blanc donnant droit à du gardiennage illimité et un repas préparé à la maison…



Toute la journée, on a été soufflés par cette preuve de solidarité familiale et amicale, les tapes sur l’épaule qui signifient que quelqu’un est là pour nous, que, surtout, quelqu’un sera là. On n’a pas su comment remercier tout le monde tant on était étourdis. L’heure était au discours, pourtant. Je me reprendrai dans l’intimité. Brièvement, je tiens tout de même à remercier ici Barbara et Marc-André, les organisateurs en chef, Jospeh pour avoir insisté (et être venu après une nuit blanche!), tous les autres pour votre temps, et votre présence.

Finalement, un shower, c’est comme du Joe Dassin : c’est peut-être kétaine, mais si on danse avec des amis, c’est rafraîchissant et rassurant sur la nature humaine!

vendredi 24 février 2006

jeudi 23 février 2006

La Magie de la vie au SS-054

Les murs du local sont composés de blocs de ciment peint blancs et gris, et une fois les portes closes, on entend toujours le bruit sourd que produisent les conduits d’aération du building. On se trouve dans le sous-sol d’un CLSC, mais on pourrait être dans le sous-sol de l’Uqam ou dans un bunker irakien que ce serait le même décor, les mêmes gicleurs au plafond, les mêmes portes grises aux noms enchanteurs de SS-054 ou de SS-052. Même la porte des toilettes à son numéro.

Jocelyne nous y attend. Elle à la blouse blanche, le sourire avenant et la voix trop douce de ces personnes qui désirent le bien et la paix dans le monde. C’est elle qui donnera les cours prénataux - natals. Juste avant qu’elle commence, je jette un coup d’œil à la faune qui m’entoure : une dizaine de bedons ronds, une dizaine de futurs papas, certains aux allures sympathiques, d’autres que je classe peut-être à tort dans la case des «à éviter», mais tous ont l’air vieux. Je ne m’identifie pas à eux. Lui a les cheveux gris, l’autre à côté les a perdus, et les deux ou trois qui suivent de trop près la mode passent aussi inaperçus que Normand L’Amour au Foufs, alors que moi… euh… bon ok, je suis des leurs. Pendant ce temps, le club des petites-vessies profite des minutes qui restent pour faire la queue devant le SS-048…

Hier soir, j’ai regardé des femmes accoucher sur vidéo, j’ai vu un bébé en tissu passer tête première dans un bassin en plastique, j’ai admiré un col d’utérus tricoté de laine rouge se dilater, j’ai contemplé un bébé in utero de 40 semaines dessiné «à l’échelle, mais la tête est trop grosse [sic]». On est là, 20 personnes que rien ne rapproche sinon le chamboulement d’une vie, à discuter de magie dans un local en ciment, sans nom, sans fenêtre, sans musique. Pour tout dire, je n’y ai pas appris grand-chose, sinon cette impression qu’accoucher, malgré tout, reste un événement normal, la même chose depuis toujours, et que pour chaque être que j’ai croisé, que je croise et que je croiserai, il y a une mère, un père qui a vécu ce que Dame V. et moi vivons.

J’en veux un peu à la vie d’avoir fait si ordinaire tout cet extraordinaire.

mardi 21 février 2006

Accent grave

Si vous demandez à Carlos depuis quand il vit au Québec, il vous dira depuis toujours. En fait, il est arrivé ici à l'âge de huit ans. Il sacre, il écoute le hockey et il a pratiquement connu le Rosemont du temps où il y avait encore des champs. De voir son visage rond de descendant maya gober de la poutine avec des commentaires de connaisseur surprend et amuse. Ça rassure un peu, aussi. Malgré cette intégration, Carlos cultive jalousement son accent d'Amérique centrale, un accent prononcé, une carte postale sonore d’un Salvador lointain qui lui fait dire «Salou!», une salutation qu’il fait souvent suivre d’un «Yé soui conntennt dé té vouâr!» qui rend immanquablement joyeux. Avec Carlos, il y a toujours plus de sourire et de voyelles qu’il n’en faut.

Carlos ne veut jamais retourner au El Salvador; «Cé payss né mérite pas mes souliers». Peu avant de venir vivre ici, des factions anti-communistes soutenues par les Américains ont tué son père, ses oncles, sa grand-mère. «Ils ont découpé ma grande-mère et ils ont laissé les morceaux sour lé bord dé la route.» Puis entre deux gorgées, presque pour lui-même, il ajoute : «On né fait pas ça a son peouple.»

Malgré les cheveux noir jais, malgré le teint ensoleillé à l’année, Carlos n’est plus salvadorien. Il vit au Québec, jalousement, entièrement. Mais quand il parle, tout le monde entend sa grand-mère et son père.
Il y a des accents plus graves que d’autres.

lundi 20 février 2006

Attention, je vous écoute... Spécial poker!

«Revire pas mon paquet; il faut pas que le monde voit sur quoi je me couche!»
Jean-François Domingue

**

«Après une main peu payante, Guillaume Vigneault lance:
- C'est plate, j'ai pas pu traire personne...
Diane Lebel lui répond:
- Il faut une grosse paire pour être tru.
Pendant qu'on se bidonne, Guillaume explique l'erreur de Diane:
- C'est logique; traire, c'est comme le verbe craire: j'vais te craire, j't'ai cru.»

samedi 18 février 2006

Paroles par temps gris

Je finirai par partir
épars
Parure ne tenant que paragraphes
que pardon
Parvenu
par dépit
par dessous comme pardessus
quand partout
parapluie
paravent
parapente descendante
Je finirai par erreur
partout faire
Parfaire l’imparfait
Je finirai par terre
par me taire
par me faire à l’idée
par me faire élider
pareil
Je finirai
pariez paria
Parabellum
pour parachèvement.

mercredi 15 février 2006

L'Orgueil plus fort, plus haut, plus loin

À la télé, je regarde sans les distinguer des triples boucles piquées et des triples axels, je vois des lugeurs qui fusent à 125 kilomètres à l’heure, le cou cassé, tentant de discerner la prochaine courbe par-dessus leur sexe moulé au kevlar, j’écoute le commentateur, pourtant à mille lieues de la patinoire, chuchoter dans le micro son admiration pour un atterrissage ou crier son exaltation de voir un sportif à lames démesurées faire le tour d’une piste ovale et se dépêcher, dès la ligne d'arrivée franchie, d’enlever son passe-montagne peu glamour pour montrer sa chevelure. On recouvre de drapeaux et de médailles des humains de carnaval qui glissent vite, qui connaissent les pirouettes, des humains qu’on utilisera, une fois usés, pour vendre des céréales, des réer ou des culottes absorbantes aux couleurs de la patrie. Ceux qui n’auront pas mérité leurs cinq secondes de piédestal, on les oubliera, car l’important n’est plus, n’a jamais été de participer.

À la télé, Germain Larivière en profite pour transformer ses matelas en bobsleigh, Macdonald transforme ses boulettes en médailles d’or pour enfants, Radio-Canada transforme la victoire d’un athlète en fierté nationale, le il en nous. Il fait bon de crier Canada, ça couvre le pleurnichement ambiant.

Il y a 400 ans, les indigènes échangeaient aux colons des tonnes de peaux pour un bout de miroir, pour se voir, pour se contempler. Il nous faut admettre que la transaction a bien peu évoluée, et que l'indigène n'est pas toujours celui qu'on pense.

Les olympiques, c’est cinq anneaux dénués du sens originel, qu’on porte pour décorer notre nombril.

dimanche 12 février 2006

Attention, je vous écoute...

«La quantité de bonheur que je reçois en ce moment est supérieure à ma capacité d'absorption du bonheur.
(court silence - pensif et contemplatif)
Il faudrait que je tue quelqu’un pour équilibrer les choses.»
Ghyslain Lebel

vendredi 10 février 2006

Avoir du toupet

Nul besoin de justifier quoi que ce soit: il est facile de constater que José Théodore ne prend aucun produit pour améliorer ses performances...

jeudi 9 février 2006

Tout seul sur les pubs

18h. J’ai rendez-vous avec Anne, une amie de longue haleine, une amie que je n’ai pas vue depuis trop longtemps. Le genre de fréquentation qu’on se promet de ne jamais perdre de vue, qu’on égare tout de même au détour d’une nouvelle copine, d’un nouveau travail ou d’une dépression un peu accaparante. Anne et moi, on s’est perdus comme ça, sans trop s’avoir comment; un jour je me suis retourné et elle n’était plus là. Ça devait faire deux ou trois coins de rues que je faisais en parlant tout seul…

Puis on s’est revus lors d’un souper. On s’est alors promis une bière en duo, comme dans le temps. Lundi, 18h, petit Medley. C’est là où je suis.

Il est 18h5 (ça s’écrit con, 18h5, mais il semble que ce soit la bonne façon de faire… Mais ça l’air si con que je passerai tout de suite à 18h10). Il est 18h10, donc, et Anne n’arrive toujours pas. La place semble sympa. En retrait, écrasés par leur cravate dans des fauteuils, quelques personnes boivent leur verre en riant doucement. Je commande un truc, n’importe quoi. Je reçois une pinte de bière d’où émane une légère odeur de vanille. Il est 18h15 quand j’ouvre le Voir. À 18h45, toujours seul, après avoir lu tous les titres-jeu-de-mots de l’hebdomadaire, j’appelle Anne, pour voir. Pas de réponse. Je suppose qu’elle est en route. Je commande une bière qui sent la bière cette fois. Old style. Je demande un stylo à la brune serveuse, sympa et discrète comme je les aime. Puis, je me mets à écrire n’importe quoi. Comme je n’ai pas mon carnet, j’écris sur les pages plus claires du Voir, sur cette pub d’American Apparel qui suinte une sexualité ingénue et surléchée à force de ne pas vouloir l’être. Insupportable. J’écris des mots, puis des idées, puis un bout de chapitre… Une fois la pub remplie, j’en cherche une autre. Je trouve une page vide, une sorte de pub sur la psychihahahatrie. Je la remplie aussi. Et ainsi de suite de pub en pub. J’ai écrit comme lorsqu’on voyage à l’étranger, dans un lieu public où personne ne me connaît, perché sur ce merveilleux poste d’observation qu'est le tabouret près du zinc.

À 20h45, j’ai mal au poignet, mon verre est depuis longtemps vide, et Anne n’a toujours pas rebondi. Je fixe un billet au stylo que je laisse sur le bar, puis je pars avec mes bouts de récits écrits sur du papier journal comme autant de thérapies, libre, léger. Anne ne s’est jamais pointée car, elle me l’avouera plus tard, elle avait oublié.

Moi, sans ironie aucune, j’ai passé une superbe soirée avec une personne que j’avais perdue de vue depuis trop longtemps.

mercredi 8 février 2006

Faites l'humour, pas la guerre...

« Elle est où, l’ambassade de Montréal, qu’on la brûle? »
Un Musulman conservateur de Québec tanné de faire rire de lui.

samedi 4 février 2006

Aphorisme

À travers le monde, les Musulmans menacent de lyncher tous ceux qui font une caricature de Mahomet.

Au Québec, la population menace de lyncher tous ceux qui présentent Jésus sans caricature.

Autres dieux, autres moeurs...

vendredi 3 février 2006

Joe déblatère et gars rage

Je suis là, devant le comptoir, à attendre qu’un mécano avec les ongles noirs de graisse et un excès de confiance en ses boulons daigne me dire « On-t-a-tu répond? » J’attends, me préparant tant bien que mal à me faire détrousser parce que je n’ai aucune maudite idée de combien coûte une réparation de l’affaire qui fait bling bling en avant quand on tourne et que le moteur est froid. N’importe quel montant entre 20$ et 400$ me semblerait justifié. J’espère que ma fille sera mécanicienne, ne serait-ce pour qu’enfin j’aie un garage digne de confiance où aller…

Près de moi, une sorte d’énergumène atteint d’hyper sociabilité qui semble connaître tout le monde dans ce monde de cambouis. Il ne cesse de parler et raconte n’importe quelle de ses mésaventures. Son discours est l’équivalent sonore des images trois D dans les livres : surchargé, inintéressant, qui vous laisse avec le regard torve. Le genre de personne qui, quand plus personne ne l’écoute, continue à parler en pivotant sur lui-même à la recherche d’une oreille trop timide pour la fuite. Et voilà que Joe verbomoteur se cherche une oreille accueillante. Je dois baisser les yeux… Regarde comme le plancher est intéressant… Garde-les baissés, Dan…

Je les relève trop vite; Joe logorrhée me harponne :
- Pis là, les p’tits criss de voleurs sont partis avec mon mirouèr de porte. Criss, ç’a-tu du bon sens?
Là, il me regarde dans les yeux. Je le sens, il pense qu’on est amis.
- Hein, tu trouves-tu que ç’a de l’allure, toué?
Est-ce que quelqu’un peut me proposer une réponse intelligente à ce genre de question? Sinon, quelqu’un connaît un mécano qu’on peut consulter en cabinet privé?

mercredi 1 février 2006

Ruelle avec adresses

La semaine dernière, je marchais vers chez moi, pleine face en pleine lune, en empruntant le plus de ruelles possibles. Je revenais d’un petit thé avec Josée, charmante chroniqueuse qui s’intéresse au monde des blogues, cette blogosphère qui tourne souvent autour d’elle-même, voire sur elle-même. On a jasé de la vie, d’elle, de moi, des enfants, puis quelque part entre la vie et le thé, elle m’a demandé pourquoi je bloguais. Euh... Je ne savais plus. Pourtant j’ai bien dû me faire poser la question cent fois. Les raisons ne se bousculaient pas au portillon pour s'éclaircir la voix. Besoin de lectorat? Avancement de l’humanité? Exhibitionnisme? Excès de temps libre? Ce soir-là, il me semblait n’y avoir aucune bonne raison de bloguer. J’aurais dû me faire chanteur; personne ne leur demande pourquoi ils chantent. Ça m’aurait évité de réfléchir.

J’ai quitté Josée après quelques heures. J’avais cet étrange sentiment qu’on a après avoir échoué un test facile. Je marchais vers chez moi dans des ruelles obscures en évitant les flaques de lumière des lampadaires, pour me retrouver seul, pour avancer entre les sacs à ordures percés, pour pouvoir regarder dans les cuisines des gens. J’aime bien regarder dans la cuisine des gens.

Entre les rues Parthenais et Des Érables, il y a une ruelle qui se prend pour une rue. Au coin de Marie-Anne, une pancarte dit « ruelle Lafrance », mais un employé de la voirie y a maladroitement camouflé les lettres « lle ». J’ai déjà vérifié: cette rue est sur toutes les cartes de la ville. Mais c’est une ruelle, avec des clôtures un peu croches, des cabanons-niques à feu et des dos d’âne usés, une vraie sauf qu’ici et là, une adresse est accolée près de la porte d’un cabanon, pour faire comme si.

Le monde des blogues, c’est un peu une ruelle; le monde derrière les façades où jouent les enfants, où jonchent des déchets, où flottent comme des drapeaux les sous-vêtements et où l’on peut regarder dans les cuisines le soir venu. C’est surtout une ruelle qui se prend pour une rue, avec des plaques numériques vissées à des cabanons de tôle rouillée.

Mais je ne sais toujours pas ce que j’y fais.